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une société qui se presse autour de la moindre célébrité, se l’approprie, l’enserre, l’englobe, l’étreint et lui dit : nous.

Oui, l’imagination du poète est inconstante autant que celle d’une créature de quinze ans, recevant les premières impressions de l’amour. L’imagination du poète ne peut être conduite, puisqu’elle n’est pas enseignée. Ôtez-lui ses ailes et vous la ferez mourir.

La mission du poète ou de l’artiste est de produire, et tout ce qu’il produit est utile, si cela est admiré.

Un Poète donne sa mesure par son œuvre, un homme attaché au Pouvoir ne la peut donner que par les fonctions qu’il remplit. Bonheur pour le premier, malheur pour l’autre ; car s’il se fait un progrès dans les deux têtes, l’un s’élance tout-à-coup en avant par une oeuvre, l’autre est forcé de suivre la lente progression des occasions de la vie et les pas graduels de sa carrière.

Seul et libre accomplir sa vocation.

iii. Éviter le rêve maladif et inconstant qui égare l’esprit, et employer toutes les forces de la volonté à détourner sa vue des entreprises trop faciles de la vie active,

Parce que l’homme découragé tombe souvent, par paresse de penser, dans le désir d’agir et de se mêler aux intérêts communs, voyant comme ils lui sont inférieurs, et combien il semble facile d’y prendre son ascendant. C’est ainsi qu’il sort de sa route, et, s’il en sort, souvent la perd pour toujours.

iv. Avoir toujours présentes à la pensée les images choisies entre mille de Gilbert, de Chatterton et d’André Chénier,

Parce que ces trois jeunes ombres étant sans cesse devant vous, chacune d’elles gardera l’une des routes politiques où vous pourriez égarer vos pieds. L’un des trois fantômes adorables vous montrera sa clef, l’autre sa fiole de poison, et l’autre sa guillotine. Ils vous crieront ceci :

« Le Poète a une malédiction sur sa vie et une bénédiction sur son nom. Le Poète, apôtre de la vérité toujours jeune, cause un éternel ombrage à l’homme du Pouvoir, apôtre d’une vieille fic-