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lement que son essence est contraire à la vôtre, et qu’il ne peut faire autrement que de chercher à détruire ce qui le gêne.

— Mais, dit Stello avec un air de pénétration (essayant de se retrancher quelque part, comme un tirailleur chargé en plaine par un gros escadron), mais si nous arrivions à créer un Pouvoir qui ne fût pas une fiction, ne serions-nous pas d’accord ?

— Oui certes, mais est-il jamais sorti, et sortira-t-il jamais des deux points uniques sur lesquels il puisse s’appuyer ! hérédité et capacité qui vous déplaisent si fort, et auxquels il faut revenir. Et si votre Pouvoir favori règne par l’hérédité de la propriété, vous commencerez, monsieur, par me trouver une réponse à ce petit raisonnement connu sur la propriété :

C’est là ma place au soleil : voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre.

Et sur l’Hérédité, à ceci :

On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau dans la tempête, celui des voyageurs qui est de meilleure maison.

Et ce cas, que ce soit la Capacité qui vous séduise, vous me trouverez, s’il vous plaît, une forte réponse à ce petit mot :

Qui cédera la place à l’autre ? — Je suis aussi habile que lui ? qui décidera entre nous ?

Vous me trouverez facilement ces réponses, je vous donne du temps — un siècle par exemple.

— Ah ! dit Stello consterné, deux siècles n’y suffiraient pas.

— Ah ! j’oubliais, poursuivit le Docteur noir, ensuite il ne vous restera plus qu’une bagatelle, ce sera d’anéantir au cœur de tout homme né de la femme, cet instinct effrayant :

Notre ennemi, c’est notre maître.

Pour moi, je ne puis souffrir naturellement aucune autorité.

— Ma foi, ni moi, dit Stello emporté par la vérité, fût-ce l’innocent pouvoir d’un garde-champêtre…

— Et de quoi s’affligerait-on si tout ordre social est mauvais et s’il doit l’être toujours ? Il est évident que Dieu n’a pas voulu que cela fût autrement. Il ne tenait qu’à lui de nous indiquer, en quelques mots, une forme de gouvernement parfaite, dans le