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III.

Or c’était pour mourir qu’ils étaient venus là.
Lequel des deux enfants le premier en parla ?
Comment dans leurs baisers vint la mort ? quelle balle
Traversa les deux cœurs d’une atteinte inégale,
Mais sûre ? quels adieux leurs lèvres s’unissant
Laissèrent s’écouler avec l’âme et le sang ?
Qui le saurait ? Heureux celui dont l’agonie
Fut dans les bras chéris avant l’autre finie !
Heureux si nul des deux ne s’est plaint de souffrir !
Si nul des deux n’a dit : Qu’on a peine à mourir !
Si nul des deux n’a fait, pour se lever et vivre,
Quelque effort en fuyant celui qu’il devait suivre,
Et reniant sa mort, par le mal égaré,
N’a repoussé du bras l’homicide adoré.
Heureux l’homme surtout, s’il a rendu son âme,
Sans avoir entendu ces angoisses de femme,
Ces longs pleurs, ces sanglots, ces cris perçans et doux,
Qu’on apaise en ses bras ou sur ses deux genoux
Pour un chagrin, mais qui, si la mort les arrache,
Font que l’on tord ses bras, qu’on blasphème, qu’on cache
Dans ses mains son front pâle et son cœur plein de fiel,
Et qu’on se prend du sang pour le jeter au ciel. —
Mais qui saura leur fin ! —
Mais qui saura leur fin ! — Sur les pauvres murailles
D’une auberge, où depuis on fit leurs funérailles,
Auberge où pour une heure ils vinrent se poser,
Ployant l’aile à l’abri, pour toujours reposer,
Sur un vieux papier jaune, ordinaire tenture,
Nous avons vu des vers d’une double écriture ;
Des vers de fou, sans rime et sans mesure. — Un mot
Qui n’avait pas de suite était tout seul en haut,