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homme d’état et de guerre. On verra dans ces Mémoires quelle habileté il lui fallut déployer dans la difficile mission que lui avait confiée le premier consul, pour pacifier la Suisse et faire accepter sa médiation. Ce sera là peut-être la partie la plus inattendue, une des plus piquantes du livre ; car les grands faits d’armes du maréchal Ney ont, pour ainsi dire, jeté dans l’ombre les autres parties de sa vie ; il les ont absorbées comme un grand événement en absorbe un plus petit ; mais lui-même a beaucoup appuyé sur ces divers incidens de sa carrière, soit qu’il en eût plus le loisir alors, soit que sa position auprès du chef du gouvernement lui en fit un devoir. Avant d’arriver aux deux grandes époques de la vie du maréchal Ney, la campagne de Russie et son procès, nous aurons à traverser bien des années, bien des épisodes, bien des faits militaires, bien des anecdotes ; car ce sera aussi un livre conteur, qui, se souciant peu de la marche ordinaire de l’histoire, recueille en passant un fait politique aussi bien qu’une aventure de salon ou une scène de bivouac. Mais le narrateur prend naturellement une allure plus grave et plus sévère à mesure qu’il approche de la fin de l’empire. Il est impossible qu’en lisant cette grande campagne de Russie, on ne se demande, saisi d’une profonde tristesse, comment cette lutte homérique ne lui a-t-elle pas fait trouver grâce devant ses juges ! comment celui qui avait sauvé tant de milliers de Français n’a-t-il pu être sauvé !

Pour nous qui avons lu les manuscrits des Mémoires du maréchal Ney, et qui espérons en faire connaître d’avance quelques fragmens à nos lecteurs, nous croyons pouvoir prédire qu’ils sont appelés à faire sensation. C’est le libraire Fournier qui en a fait l’acquisition. La première livraison, qui est sous presse, paraîtra vers la fin d’avril.


— Nous étions mal informés quand nous disions, dans notre dernière livraison, que M. Victor Hugo s’était retiré de la candidature académique. Pour s’être retiré, il faudrait d’abord s’être présenté. Or, M. Victor Hugo n’a pas songé un seul moment à se présenter.

— Les graves et rudes paroles adressées par M. Victor Hugo aux démolisseurs ont porté coup.

Nous apprenons de bonne source que l’ordre vient d’être donné par le gouvernement de suspendre la plupart des démolitions commencées. Il paraît qu’on abandonne le projet de la grande, grande, grande rue ! et que Saint-Germain l’Auxerrois, quoique condamné depuis long-temps par un très haut personnage, sera respecté. Il paraît aussi que le magnifique hôtel du Bourgtheroulde, à Rouen, était menacé, et que M. Victor Hugo vient de le sauver. Il a sauvé aussi l’église de Brou. Elle ne sera décidément pas convertie en grenier à foin. Le contre-ordre vient de partir des bureaux du ministère. On nous assure que c’est au théâtre de l’Odéon que cette destination de grenier à fourrage va être donnée. Ceci du moins est raisonnable.

Espérons qu’on verra enfin poindre quelque lueur d’intelligence dans le cerveau de M. d’Argout.

M. Victor Hugo, en attendant la loi qu’il réclame pour la conservation des monumens nationaux, est, dit-on, déterminé à faire lui-même la police autour de ces vénérables ruines, et à châtier sévèrement et sans pitié, en le dénonçant en face et en l’appelant par son nom, tout démolisseur, quel qu’il soit, propriétaire, maire, ministre ou roi. Il n’y a pas en effet de vandale irresponsable aux yeux de l’art, et le goût n’admet pas de the king can do no wrong.