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Si quelque chose, monsieur le comte, peut se comparer à votre dernier discours, c’est à coup sûr la mémorable discussion de vos collègues sur les grands hommes qui seront admis à l’immortalité. Je sais bon gré à votre modestie de n’avoir pas troublé le triomphe de M. Lameth et de M. Gaëtan de Larochefoucauld. Vous auriez eu mauvaise grâce, après votre ovation, à interrompre le babil du vénérable membre de la Constituante. Sans votre silence complaisant, nous aurions perdu ces admirables commencemens de phrases indécises que l’orateur livrait inachevées à notre pénétration ; nous aurions à regretter ces ébauches ingénieuses d’apothéose, qui ont fini par n’atteindre que Bailly et Barnave, mais dans lesquelles M. de Lameth entendait bien se comprendre. Je remercie de toute mon âme M. Gaëtan d’avoir bien voulu chercher la gloire française au-delà de 89, d’avoir appelé sur Clovis et Charlemagne l’attention et la bienveillance de la chambre. Puisque la législature revient à l’amour de la vieille monarchie, puisqu’elle espère recrépir le vieux trône qui s’est écroulé il y a deux ans, elle fait bien et sagement d’appeler à son secours les réhabilitations historiques. Anquetil et Velly avaient laissé dans l’ombre les grandes figures de Clovis et de Charlemagne ; le chrétien de Reims et l’auteur des Capitulaires avaient besoin, pour reprendre dans notre mémoire la place qui leur appartient, du panégyrique de M. Gaëtan ; mais je demande pourquoi Charles Martel n’a pas reçu la même faveur. Je demande pourquoi celui qui a contenu le débordement des Sarrasins n’aurait pas un tombeau au Panthéon.

La critique et l’histoire vont devenir faciles et triviales, si la législation leur vient en aide. On ne pourra plus remettre en question la gloire d’un poète ou d’un roi. Les préfaces pour se faire lire et se donner une physionomie originale et nouvelle, ne toucheront plus aux noms consacrés. Le dédain et la colère respecteront les élégies de Racine et les thèses de Voltaire, comme la foudre respecte le laurier. S’il plaît même à la chambre de voter à Campistron et à l’abbé de Bernis l’urne cinéraire, symbole infaillible d’immortalité ; si, dans l’indulgence qui ne manque jamais aux grands esprits, elle amnistie Dorat et Voise-