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indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois dieu, nature et humanité. » Que pouvons-nous en conclure, si ce n’est que M. Cousin est déiste en tant que cause, et panthéiste en tant que substance ? Je sais qu’ailleurs il s’est élevé éloquemment contre le panthéisme : mais quelle est sa théodicée positive ?

Et le christianisme ? M. Cousin a-t-il pris là-dessus un parti sérieux et définitif ? Sans doute, il a reconnu, dans l’esprit humain, l’autorité des autorités ; mais a-t-il toujours déduit et pratiqué les conséquences de ce principe ? N’a-t-il pas quelquefois formé le plan d’une philosophie qui ne serait que la doublure de la tradition ? n’a-t-il pas quelquefois cherché à concilier les honneurs de l’indépendance avec les sûretés de l’orthodoxie ?

Mais enfin cet éclectisme auquel finalement est revenu l’éditeur de Descartes est-il donc entièrement sans racines et sans résultats ? Si par hasard la vérité était dans le passé ! si une vaste bibliothèque était le puits nouveau dont il reste à la tirer ! si en passant tour-à-tour par Athènes, Alexandrie, Munich et Berlin, on pouvait l’établir à Paris ! la découverte serait précieuse et vaudrait bien la peine de mener avec patience cette opération. Malheureusement ce projet rétrograde a deux fois échoué dans l’histoire de l’esprit humain ; la philosophie de l’école d’Alexandrie et la scholastique enseignaient aussi que toute vérité était dans le passé et les textes accumulés par le temps ; mais ni Alexandrie, ni Aristote n’ont pu prévaloir contre l’invasion du christianisme et de Descartes ; c’est qu’il y a dans l’homme individuel et les masses une invincible répugnance à se reposer dans ce qui a été fait, à se refuser aux attractions invincibles de l’avenir. Sans doute, il est bon de porter en soi la conscience de l’histoire, sans doute il faut résumer ce qui fut avant nous, mais à la condition et dans le dessein de l’élargir et de le changer : autrement si la science humaine n’existe, pour vous, que dans une érudition écoulée, si vous n’y ajoutez rien vous-même, la société, que vous ne pouvez