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humain contre l’autorité traditionnelle, tant de la scolastique que de la théologie. Or donc, à tout homme qui a présenté un système philosophique à son époque, pour apprécier ce qu’il a fait, il faut demander d’abord ce que, dès le principe, il a voulu faire. Pourquoi vous êtes-vous levé, et que vouliez-vous dire ?

Quand M. Cousin monta dans la chaire de M. Royer-Collard, il y parut sans autre dessein que de développer l’histoire des systèmes philosophiques. Esprit littéraire, il se tourna vers la littérature de la philosophie ; imagination mobile, il quittait facilement une belle théorie pour une autre qu’il trouvait plus belle encore ; parole ardente, il faisait couler dans les âmes l’intelligence et l’enthousiasme de la science. Tel a été M. Cousin : c’est son caractère de n’avoir jamais pu trouver et sentir la réalité philosophique lui-même ; il la lui faut traduite, découverte, systématisée ; alors il la comprend, l’emprunte et l’expose.

Je sens, monsieur, que nous arrivons ensemble à une conclusion inévitable ; nous sommes obligés d’induire que M. Cousin n’est pas, à proprement parler, un philosophe ; je sais d’ailleurs que c’est depuis long-temps votre pensée, vous m’avez même dit qu’en Allemagne on se prend à sourire si quelque Français, fraîchement arrivé, parle de notre compatriote comme d’un véritable métaphysicien. Mais, monsieur, nous ne saurions cependant éconduire, par une première fin de non-recevoir, quelque fondée qu’elle puisse vous paraître, un homme aussi distingué que le traducteur de Platon, d’autant plus que lui-même croit pouvoir prétendre à la qualité que vous lui refusez dans votre pays, et qu’il est juste d’examiner les titres d’un écrivain qui, je le crois, s’est toujours abstenu des petites ruses du charlatanisme.

Mais d’abord il faut mettre à part et en relief les services incontestables que M. Cousin a rendus à l’histoire de la philosophie, et dont le mérite spécial lui est acquis, alors même que nous verrions le lien systématique dont il a voulu les coordonner se briser entre ses mains. Ainsi ses travaux réels survivront tant à son éclectisme imité qu’à son idéalisme emprunté. Il aura toujours le mérite d’avoir, en 1820, commencé à publier des manuscrits inédits de Proclus ; d’avoir, en 1824, donné une édi-