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PENSÉES DE JEAN-PAUL.

les heures du jour, si on pousse le bouton, elle ne sonne et ne répète que celle où elle s’est arrêtée.


Les joies deviennent souvent comme les autres pierres précieuses, des poisons mécaniques, qui ne brillent que dans l’éloignement, mais qui nous coupent et nous déchirent dès qu’on les touche où qu’on les avale.


Tout ce qu’il y a de meilleur en ce monde est le produit de l’enthousiasme, et tout ce qu’il y a de pire le produit de la froideur. — Oui, il y a pour les âmes comme pour la nature, un froid sombre et terrible, qui, de même que l’excès de la chaleur, noircit, aveugle et blesse !


Les Grecs ont donné, à l’amour et à la mort les mêmes attributs, la beauté et un flambeau. — Pour moi, ce n’est qu’une torche funèbre, mais j’aime la mort et par conséquent l’amour. — Ma vie a été long-temps une muse tragique ; je me plais à percer d’un poignard le sein d’une muse, car une blessure, c’est presque la moitié d’un cœur !


Aux yeux de l’être infini, la prière pour un monde ou pour un morceau de pain ne diffère que par la vanité de celui qui prie ; et Dieu compte les soleils et les cheveux, ou il ne compte ni les uns ni les autres.


Plus une chose est petite, et plus elle doit être précieuse ; une chaîne de montagnes peut ne se composer que de couches de sel, de houille et de craie ; mais un anneau doit resserrer dans sa monture quelque chose de plus rare que de l’argile. — C’est