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PENSÉES DE JEAN-PAUL.

nous pas toujours, comme Hamlet, un plus petit ? Chaque représentation ne présuppose-t-elle pas une double vie, l’original et la copie ?


Les hommes se plaisent à retarder leur dernière volonté aussi long-temps que leur conversion.


Le premier voyage, surtout si la nature ne jette, sur la longueur du chemin, qu’un éclat éblouissant, que des fleurs d’oranger et l’ombre des châtaigniers, donne au jeune homme ce que le dernier voyage enlève souvent à l’homme fait, un cœur rêveur, des ailes pour le transporter au-dessus des glaciers de la vie, et des bras étendus affectueusement vers son semblable.


C’en est fait de mon plan ; ici-bas l’on ne peut rien terminer. La vie est pour moi si peu de chose, que c’est presque le plus léger sacrifice que je pourrais faire à ma patrie. J’arriverai au cimetière, seulement avec un cortége plus ou moins nombreux d’années. La joie est également perdue pour moi ; ma main appesantie fait voler trop facilement la poussière des quatre ailes du papillon aux nuances variées, et je le laisse seulement voltiger autour de moi sans le saisir. Le malheur et le travail sont seuls assez peu clairvoyans pour bâtir sur l’avenir. — Soyez bien venues dans ma maison, ô vous tristes et pâles images, faites des couleurs de la terre. Vous hommes, je vous aime et je vous tolère maintenant, doublement ! car quel autre pouvoir que celui de l’amour nous retirera des cendres par le sentiment de l’immortalité ? — Qui pourrait refroidir et raccourcir encore pour vous ces deux jours de décembre que vous appelez quatre-vingts ans ? Ah ! nous ne sommes que des ombres flottantes, et une ombre veut en déchirer une autre ! –


Je comprends aujourd’hui pourquoi un roi se retire, sur ses