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PENSÉES DE JEAN-PAUL.

couleurs, dans les êtres vivans, dans les fleurs, dans la beauté humaine, dans les joies des animaux, dans les pensées de l’homme, dans les cercles des mondes ; car son reflet est partout ou nulle part. C’est ainsi que le soleil nous offre son image reproduite sur tous les êtres, grande dans l’océan, colorée dans les gouttes de rosée, petite dans l’œil de l’homme, rouge sur les pommes, argentée sur les fleuves, et éclatante sur la pleine lune et sur ses mondes.


Oh ! pauvres femmes, au milieu des occupations insipides qui remplissent votre vie, saurions-nous, vous et moi, que vous avez une âme, si vous ne vous en serviez pour aimer ? Hélas ! dans les longues années que mesurent vos larmes, vous ne relevez jamais la tête qu’au jour brillant et trop passager de l’amour. Après lui, votre cœur, perdu sans retour, s’abîme dans le gouffre glacé d’où il était sorti. Ainsi les plantes aquatiques végètent toute l’année sous l’eau : ce n’est qu’au moment de leur floraison et de leurs amours, qu’elles étalent leur verdure aux rayons d’un soleil bienfaisant ; puis elles retombent au fond des ondes.


Un grand voile est abaissé devant toi, l’éternité le porte. Est-ce un voile de deuil, — ou le voile d’Isis, — ou celui d’un meurtrier, — ou celui de la beauté, — ou celui qui couvre le visage rayonnant d’un Moïse, — ou celui qui cache un cadavre ? — Je réponds : Tu le soulèveras un jour ; celui dont ton cœur est digne, tu l’as déjà soulevé.


Parmi des étoiles gigantesques, au sein de l’infini, on apprend à s’élever au-dessus des étoiles métalliques cousues à la boutonnière. De la contemplation de la terre, on rapporte des pensées qui nous laissent à peine voir tourbillonner les atomes terrestres, que l’on appelle hommes ; — et les insectes bigarrés, qui colorent comme une mosaïque le règne végétal, se rendent in-