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PENSÉES DE JEAN-PAUL.

Ah ! ce n’est que dans les instans où l’on se retrouve et où l’on se quitte, que l’homme peut connaître toute la plénitude de l’amour renfermé au fond de son cœur ; ce n’est qu’alors qu’il essaie de lui donner une voix tremblante et un regard expansif. Ainsi la statue de Memnon ne résonnait-elle et ne tressaillait-elle sur sa base qu’au lever et au coucher du soleil, pendant le jour elle était seulement échauffée de ses rayons.


Le vin rend souvent l’homme pieux et tendre. Les cloches de l’harmonica dans l’homme, qui sont les échos d’un monde supérieur, doivent, comme les cloches de verre, rester mouillées pour vibrer ici-bas.


Le jour expire mollement au milieu d’un brouillard parfumé ; — les allées et les jardins semblent ne parler qu’à voix basse, comme des hommes attendris. Des brises légères voltigent autour des feuilles, et les abeilles caressent les fleurs avec un doux murmure. Les alouettes seules s’élèvent, comme l’homme, avec des chants éclatans, pour retomber ensuite, comme lui, silencieusement dans le sillon, tandis que les âmes supérieures et la mer montent vers le ciel invisibles et muettes, et que mugissantes ensuite, et portant avec elles la fertilité, elles se précipitent de leur hauteur sublime en cascades et en torrens sur la terre. — Ah ! ne conduisez pas dans le temple du printemps celui dont les blessures ne sont point comprimées par un appareil solide, ces émotions enivrantes feraient jaillir son sang !


Les Goths n’envoyaient leurs enfans à aucune école, afin qu’ils demeurassent des lions. Si l’on doit amollir les jeunes filles par un bain de lait avant de les planter dans la vie sociale, il faut jeter en terre les garçons comme les abricots, avec leur