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PENSÉES DE JEAN-PAUL.

fondeur, tandis qu’au contraire, à son lever et à son coucher, les vagues réfléchissent son disque dans tout son éclat.


En général, les hommes mériteraient d’être muets à cause de leurs discours ; leurs pensées valent toujours mieux que leurs dialogues, et c’est vraiment dommage que l’on ne puisse appliquer aux têtes fortes un clavier qui reproduise par écrit au dehors tout ce qu’elles pensent intérieurement. Je parierais que tout homme de génie descend dans la tombe avec une bibliothèque entière d’ouvrages inédits ; et qu’il n’en livre à l’impression qu’un petit nombre de rayons.


Une fiancée montre une confiance plus noble et plus hardie que son futur, qui, comme s’il était sur le marché du bonheur, regarde encore dans toutes les rues de la vie.


Oh ! n’aimez qu’un cœur avec pureté, avec ardeur, vous aimerez ensuite tous les autres ! Le cœur, au milieu du ciel qu’il se crée, tel que le soleil poursuivant sa carrière, ne voit dans la goutte de rosée, comme dans l’océan, qu’un miroir qu’il échauffe et qu’il remplit.


Destin voilé, qui es assis derrière notre globe terrestre comme derrière un masque, et qui nous laisses le temps d’exister ; ah ! lorsque la mort aura brisé notre enveloppe fragile, et qu’un génie puissant nous aura enlevés de la fosse au ciel, lorsqu’ensuite des soleils et des joies pures feront déborder nôtre âme, nous montreras-tu un cœur que nous ayons aimé, et auprès duquel nous pussions ouvrir nos faibles yeux ? — Ô destin, nous rendras-tu ce que nous n’avons jamais pu oublier ? Personne ne tournera ses regards sur cette page qui n’ait eu quelqu’un à