Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/704

Cette page a été validée par deux contributeurs.
689
EXPÉDITION D’AFRIQUE.

dominant orgueilleusement la foule des édifices vulgaires ; ne cherchez ni verdure, ni jardin, ni promenade, ni rivière se cachant dans l’ombre, brillant au soleil, et roulant capricieusement dans ses flots ciel, arbres et maisons.

À la place de tout cela, à quelques lieues en mer, vous verrez apparaître à l’horizon une terre d’une verdure sombre et uniforme, où se détachent quelques îlots de terre rougeâtre. Sur le rivage, au pied d’une montagne, du sommet de laquelle elle paraît avoir roulé et s’être arrêtée au moment de s’engloutir dans la mer, remarquez une énorme pierre blanchâtre. Cette pierre, grandissant à mesure que vous approcherez, finira par couvrir une partie de la montagne : ce sera comme une portion de sa charpente de craie qu’une large déchirure de sa robe verdoyante aurait mise à jour. Long-temps sa blancheur qui éclate au soleil vous éblouira les yeux ; vous n’y discernerez quoi que ce soit, à moins cependant qu’à l’aide d’une excellente lunette vous ne puissiez voir confusément dès-lors un saule magnifique, précieusement conservé à la Casauba, et qui, d’où vous le voyez, fait assez l’effet du parasol d’un Bédouin venu là respirer l’air de la mer. Lorsque vous en serez plus près, la montagne se divisera en étages ; vous croirez voir grand nombre de carrières régulièrement découpées : ce sont les maisons de la ville ; s’élevant les unes au-dessus des autres comme à la courte échelle, elles semblent escalader en rangs pressés les pentes de la montagne. Elles n’ont entre elles aucune diversité de formes ou de couleurs : elles vous fatigueront de leur monotone ressemblance.

À une demi-lieue à-peu-près, au moment où vous commencerez à discerner plus nettement leurs formes, vous apercevrez aussi les batteries du côté de la mer. En face, sont celles du mole ; à droite, le fort des Anglais ; à gauche, le fort de Vingt-Quatre-Heures ; d’autres encore au-delà de ces dernières, et des deux côtés. Ce système de défense est inexpugnable ; l’art de l’Europe n’y saurait rien ajouter. Nos artilleurs se promenaient avec délices sous les voûtes des magnifiques batteries couvertes du môle. En voyant cette menaçante et formidable ceinture dont Alger se serre les reins, comme le lutteur qui s’apprête au combat, vous comprendrez avec quel orgueil les Turcs se plaisaient à l’appeler Alger, la guerrière.

Le port, misérable crique, ne pouvant pas contenir de vais-