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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

tes de l’avenir, aux vexations du moment : sur les ruines du monde, ils en auraient remontré au sage d’Horace. Au fait, ils n’en étaient pas moins assurés de se reposer un jour sous des arbres toujours verts, dans les bras de houris toujours belles, avec des forces éternellement renaissantes. Qu’était-ce donc qu’un misérable royaume de la terre pour ceux à qui la foi livrait un semblable paradis ?

L’exemple du bey de Tittery n’avait point été suivi par les tribus arabes avec grand empressement. Leur soumission à notre autorité se faisait attendre. Il passait pour constant néanmoins que leurs dispositions nous étaient favorables, lorsque arriva un événement qui les changea complètement. Dans une reconnaissance sur l’Aracht, rivière célèbre dans l’histoire d’Alger, le général en chef se décida à entreprendre une expédition sur Belida. Cette ville, autrefois riche et manufacturière, renversée depuis quelques années par un tremblement de terre et maintenant pauvre et ruinée, est située au pied de l’Atlas, dans une position d’où l’on voit les sommets des diverses chaînes de montagnes s’élever graduellement les uns au-dessus des autres, et former un immense amphithéâtre dont les extrémités échappent à l’œil et dont le faîte se perd dans les nuages. Quel était le but de cette expédition ? Était-ce de jouir de ce spectacle ou bien d’aller effrayer de notre présence des tribus éloignées qui peut-être ne nous avaient pas rencontrés sur le champ de bataille ? je l’ignore. Mais, soit que le général en chef n’eût pas été informé avec exactitude des véritables dispositions des Arabes à notre égard, soit que ces dispositions eussent changé, ou bien que les Cabaïles, tribus montagnardes, essentiellement cupides et féroces, aient cru trouver là, en raison du peu de peu de forces qu’ils voyaient, une occasion assurée de butin, au moment où le détachement se remettait en route pour le retour, et qu’en toute sécurité il prenait à peine les précautions militaires d’usage, il fut tout-à-coup attaqué. Cette attaque se renouvela ou se prolongea pendant les seize heures de chemin de Belida à Alger. On marchait environné, aiguillonné, piqué par des essaims d’Arabes, qui allaient grossissant sans cesse. La discipline européenne, du canon, un escadron de cavalerie qui, en raison du désordre des assaillans, donnait le moyen d’en tuer bon nombre de temps à autre, tout cela nous assura, dans cette longue série d’escarmouches, une incontestable supériorité. Si les Arabes nous tuèrent quelques hommes, ils en perdirent