habitait avant son élévation, et les portes de son palais s’ouvrirent au vainqueur.
De tous les deys précipités du trône, c’est-à-dire, à deux ou trois près, tous ceux qui régnèrent, il fut je crois le premier qui survécut à sa chute. Sous le beau ciel de l’Italie, au milieu de ses femmes, de ses serviteurs, il peut achever en paix le peu de jours qui lui sont comptés. Il n’a plus à craindre de se laisser prendre à ce trébuchet, toujours ensanglanté, que la capricieuse tyrannie des janissaires a tendu long-temps au-devant de ses pas ; où, suivant toute probabilité, il devait laisser sa tête. Cette exception que le sort a faite en sa faveur, sous beaucoup de rapports, Hussein la méritait. Ce qu’il avait de mauvais lui était commun avec la soldatesque dont il était le chef et le représentant ; ce qu’il eut de bon, était bien à lui, lui appartenait bien en propre. Au témoignage unanime des consuls européens, il usa avec une modération extrême, jusque-là inconnue, du pouvoir immense autant qu’éphémère dont il fut quelques années dépositaire. Le droit, la justice, l’équité, n’étaient point choses qui lui fussent inconnues, ou dont il se jouât les connaissant. Il les aimait et les pratiquait : seulement, et il le fallait bien, c’est tels qu’il les concevait, qu’il les aimait et les pratiquait, c’est-à-dire, tels que les pouvait concevoir un soldat aventurier, un pirate, un dey d’Alger. Ce fut même ce qui amena sa chute. Trouvant ses prétentions légitimes, et elles l’étaient en elles-mêmes, dans les réclamations qu’il éleva au sujet des trois ou quatre millions de l’affaire Bacri, il ne parvint jamais à comprendre que ce fût devant les tribunaux français qu’il s’agissait de les faire valoir. Tout avis de s’adresser à eux que lui fit donner notre gouvernement, il le considéra toujours comme un déni de justice. — Si le roi de France, lui arrivait-il parfois de répéter au moment de la rupture, était créancier d’un de mes sujets, le roi de France serait payé, ou la tête du débiteur tomberait dans les vingt-quatre heures. — De là son refus constant de tout moyen conciliatoire, de là son irritation, de là le fameux coup d’éventail dont il brisa son trône fragile.
À l’heure de l’adversité où l’on a vu fléchir tant de nobles courages, il montra de la grandeur d’âme, de la dignité véritable. En présence de M. de Bourmont dont son sort dépendait encore, bien qu’il se trouvât là sous de vraies fourches Caudines, il ne courba pas trop bas la tête. Il semblait croire qu’il lui suffisait d’être à la merci de la France pour n’avoir plus rien à en redou-