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lière a été souvent et est encore à tous momens modifiée dans le sens de la communauté sociale. On vous achète de force votre champ pour en faire une place, votre maison pour en faire un hospice. On vous achètera votre monument.


S’il faut une loi, répétons-le, qu’on la fasse. Ici, nous entendons les objections s’élever de toutes parts : — Est-ce que les chambres ont le temps ? — Une loi pour si peu de chose !


Pour si peu de chose !


Comment ! nous avons quarante-quatre mille lois dont nous ne savons que faire, quarante-quatre mille lois sur lesquelles il y en a à peine dix de bonnes. Tous les ans, quand les chambres sont en chaleur, elles en pondent par centaines, et, dans la couvée, il y en a tout au plus deux ou trois qui naissent viables. On fait des lois sur tout, pour tout, contre tout, à propos de tout. Pour transporter les cartons de tel ministère d’un côté de la rue de Grenelle à l’autre, on fait une loi. Et une loi pour les monumens, une loi pour l’art, une loi pour la nationalité de la France, une loi pour les souvenirs, une loi pour les cathédrales, une loi pour les plus grands produits de l’intelligence humaine, une loi pour l’œuvre collective de nos pères, une loi pour l’histoire, une loi pour l’irréparable qu’on détruit, une loi pour ce qu’une nation a de plus sacré après l’avenir, une loi pour le passé, cette loi juste, bonne, excellente, sainte, utile, nécessaire, indispensable, urgente, on n’a pas le temps, on ne la fera pas !


Risible ! risible ! risible !


victor hugo.