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national. À force d’être bons français, nous devenons d’excellens welches.


Dans le nombre, on rencontre certaines gens auxquels répugne ce qu’il y a d’un peu banal dans le magnifique pathos de juillet, et qui applaudissent aux démolisseurs par d’autres raisons, des raisons doctes et importantes, des raisons d’économiste et de banquier. — À quoi servent ces monumens ? disent-ils. Cela coûte des frais d’entretien, et voilà tout. Jetez-les à terre et vendez les matériaux. C’est toujours cela de gagné. — Sous le pur rapport économique, le raisonnement est mauvais. Nous l’avons déjà établi dans la note citée plus haut, ces monumens sont des capitaux. Un grand nombre d’entre eux, dont la renommée attire les étrangers riches en France, rapportent au pays au-delà de l’intérêt de l’argent qu’ils ont coûté. Les détruire, c’est priver le pays d’un revenu.


Mais quittons ce point de vue aride, et raisonnons de plus haut. Depuis quand ose-t-on, en pleine civilisation, questionner l’art sur son utilité ? Malheur à vous si vous ne savez pas à quoi l’art sert ! On n’a rien de plus à vous dire. Allez ! démolissez ! utilisez ! Faites des moellons avec Notre-Dame de Paris. Faites des gros sous avec la Colonne.


D’autres acceptent et veulent l’art, mais à les entendre, les monumens du moyen-âge sont des constructions de mauvais goût, des œuvres barbares, des monstres en architecture, qu’on ne saurait trop vite et trop soigneusement abolir. À ceux-là non plus il n’y a rien à répondre. C’en est fini d’eux. La terre a tourné, le monde a marché depuis eux ; ils ont les préjugés d’un autre siècle ; ils ne sont plus de la génération qui voit le soleil. Car, il faut bien que les oreilles de toute grandeur s’habituent à l’entendre dire et redire, en même temps qu’une glorieuse révolution politique s’est accomplie dans la société, une glorieuse révolution intellectuelle s’est accomplie dans l’art. Voilà vingt-cinq ans que Charles Nodier et madame de Staël l’ont annoncée