Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/607

Cette page a été validée par deux contributeurs.
592
REVUE DES DEUX MONDES.

sition précédente des manifestations de certaines forces de la nature ; mes instincts et mes penchans physiques n’en sont pas moins de simples apparitions de cette force dans le domaine de ma conscience. Dans ce système, il en est aussi de celles de mes notions intellectuelles qui se forment en moi sans ma participation, absolument de même que dans le précédent. Jusque-là tous deux marchent donc d’accord ; mais voici le point où commence leur opposition. Dans l’un de ces systèmes, j’admets que les organes au moyen desquels je me manifeste extérieurement, une fois mis en mouvement par les forces de la nature, continuent de subir l’empire de ces forces ; la pensée n’est là que simple spectatrice de l’acte ; et dans l’autre, je suppose, au contraire, que l’organisation matérielle ne cesse pas un instant d’être sous l’empire, de subir l’influence d’une force supérieure à toutes les forces de la nature, indépendante des lois qui les régissent, et que nous appelons la volonté. Ici la pensée n’est plus seulement spectatrice de l’acte. Loin de là, elle l’engendre, le produit. Dans le premier de ces systèmes, c’est une puissance mystérieuse, invisible pour moi, qui met un terme à mon irrésolution, détermine ma volonté et la fixe sur un objet, puis m’en donne la conscience. Je n’ai pas là en réalité d’autre existence que celle de la plante ; mais, au lieu de cela dans le second, c’est moi, moi seul, qui, dans l’indépendance absolue de toute influence étrangère, mets un terme à mon irrésolution ; c’est moi qui, au moyen de la connaissance raisonnée que j’ai du bien, me décide pour un parti définitif.

Il ne m’est pas possible néanmoins de donner à l’un ou à l’autre une préférence exclusive. Je ne puis réellement voir en moi ni un être tout-à-fait libre, existant par soi-même, ni la simple et passive manifestation d’une force étrangère. En faveur de la première hypothèse, je ne vois autre chose que la sorte d’attrait que je trouve à l’imaginer, et pour fonder la seconde, je dois avouer que j’ai peut-être donné plus de portée qu’il n’en devait avoir à un principe vrai par lui-même, mais dont j’ai étendu les conséquences au-delà des limites où elles demeurent légitimes. Que l’intelligence soit réellement la manifestation d’une force