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teur de Cromwell, une simple théorie (il l’a faite sublime), suffisait ; à ma tâche, il faut des images. La théorie n’est que la syntaxe d’un art ; l’art, la forme conçue des ouvrages de l’homme ; et ce sont les ouvrages qui me manquent ; où prendrais-je ma théorie ?

Poursuivons pourtant :

Ceux-ci, remontant aux premiers âges, nous diront la faiblesse de la marine européenne, lorsque l’empire d’Orient, tombé aux mains d’Alexis, eut besoin de repousser et les Turcs, qui prenaient Lesbos, Samos, Rhodes, qui devaient finir par aller à Constantinople, et les Normands qui avaient à leur tête Robert Guischard, duc de la Pouille et de la Calabre, un des plus hardis capitaines de son temps ; époque où toutefois la marine prit date, car elle ne se forma que par les secours qu’elle prêta aux empereurs d’Orient contre les Turcs. Ou bien, ils diront les galères montées par ces pieux chevaliers, d’abord voués à la garde des grands chemins de Jérusalem, qui firent de Rhodes et de Malte une forteresse ; de cette forteresse, la fronde de David qui lançait des boulets de pierre contre les infidèles : majestueuse époque où, avec moins de science et de philosophie, des hommes forts et dégoûtés du monde n’oublièrent jamais au moins la gloire de la France ; on sait que depuis Philippe i jusqu’à saint Louis, par leurs courses actives et leur incessante hostilité envers les corsaires, commandés alors par deux hommes dont la chrétienté éprouva le courage, Dragut et Barberousse, ces braves protégèrent le passage des croisés vers la terre sainte et le grand sépulcre. Chassés de Rhodes, ils se cramponnèrent à l’île de Malte, que Charles-Quint leur vendit pour un faucon. Il était beau de voir ces fils des premières familles, dont le souvenir est encore aujourd’hui consacré par des monuments et des armes ; de voir des Lavalette, de la noble et ancienne maison de Cornusson en Quercy, des Villers l’Ile-Adam, des d’Aubusson, des hommes de cour et de luxueuse existence, revêtir la cuirasse, chausser la sandale, peindre la croix blanche sur l’épaule ou sur leur poitrine fermée aux joies du monde, pour aller serrer de leurs mains gantelées la rame pesante,