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sainteté sur les inconvéniens du célibat ; mais elle prit un détour assez brusque, et coupa court à ce sujet : c’était parler de corde dans la maison d’un pendu, car le saint homme a été secrètement marié. — Le chamba-lama, comme le dalai-lama, son chef, ne meurt pas ; on lui désigne de son vivant un successeur, qui est forcé d’habiter avec lui, et les Burates pensent que, durant cette cohabitation et avant que la vie matérielle du lama ait cessé, son âme passe dans le corps de son successeur, lequel est toujours choisi parmi ses proches parens. Celui de notre chamba-lama était, nous dit-on, son neveu ; cependant la chronique scandaleuse assurait que c’était un fils né de son mariage, et en effet, à voir l’embonpoint naissant du jeune chamba, on était forcé de dire que la transmigration de l’âme avait produit une ressemblance de corps assez frappante. — Les livres sacrés des lamas leur sont venus du Thibet, comme toutes leurs doctrines religieuses et leurs usages : ils sont écrits en langue tangu (en russe tangusky, qu’il ne faut pas confondre avec tunguzky). Cette langue diffère entièrement du mongol des Burates, de sorte qu’aucun laïque ne comprend les livres sacrés. Les lamas lisent couramment le tangu. Une de leurs croyances est que plusieurs déluges ont eu lieu, et qu’il doit y en avoir encore un. Nous parlâmes au chamba de Deucalion et de Noé ; mais il nous dit que ces noms n’étaient pas mentionnés dans les livres saints du Thibet, Je lui citai un fait qui venait à l’appui des traditions lamaïques ; je parlai des poissons trouvés sur les montagnes : il me répondit d’assez mauvaise humeur qu’il n’en avait jamais vu, et que ses livres n’en disaient rien. Apprenant que nous nous occupions de recherches astronomiques, le chamba voulut savoir quelque chose de notre cosmographie. Je m’efforçai de lui faire comprendre le ponderibus librata suis, et le e pur si muove, « Tout cela est possible, reprit le vieillard ; mais voici ce que disent nos livres tangusiens : Un éléphant porte la terre, et les étoiles sont immobiles au-delà des eaux fluides et transparentes, qui nous font croire que les astres se meuvent, en les réfléchissant dans leur sein ». Ainsi, dans la cérémonie que j’ai décrite plus haut, la figure des burchanes semble s’agiter