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VOYAGE EN SIBÉRIE.

ment sous les coups des prêtres, et formaient la plus étrange harmonie.

Entre les rangs des prêtres nous vîmes s’avancer à notre rencontre le successeur désigné du chamba-lama, accompagné de son trucheman. Il nous transmit les excuses de sa sainteté, qui serait venue nous recevoir elle-même, si son âge et ses infirmités ne l’en eussent empêchée. Ou nous conduisit à la maison de bois du chamba-lama, qui nous attendait sur l’escalier, et, en le voyant, nous ne pûmes contester la légitimité de ses excuses, car c’était sans aucun doute l’homme le plus gros de toute la Sibérie : cependant ses traits ne manquaient pas de noblesse, et, malgré son embonpoint, il y avait dans sa démarche une certaine aisance qui révélait un homme distingué. Il nous fit entrer dans son appartement. Nous nous assîmes, et Gentimour nous servit d’interprète dans une conversation du plus grand intérêt.

Je demandai au chamba-lama si l’on avait raison de comprendre sa secte dans le bouddaïsme, conformément à la statistique de Hassel. — Oui, me dit-il, car le Boudda des Indes est exactement le même dieu que notre Tschigemune. Mais Tschigemune n’est pas le Fo des Mandchoux. — Il ajouta : La mère de Tschigemune est en grand honneur. — Je tâchai de savoir s’il y avait dans ces derniers mots une allégorie, et j’en demandai le sens, mais inutilement ; nous ne nous comprîmes point. Le chamba-lamba me dit que les Burates croient à un seul dieu. Quant à cette foule de burchanes dont les images remplissent les temples des lamas, il les comparait aux saints de l’église grecque. Je lui parlai de Confucius. « Je ne le connais pas, répondit-il ; mais nous avons beaucoup d’autres philosophes que lui. Il m’apprit, entre autres choses, que les lamas ne sont pas élevés dans une école spéciale. Les enfans que leurs pères destinent à l’état de prêtre sont confiés aux soins d’un lama, qui partage avec eux sa hutte (jurte), et les instruit dans la lecture des saints livres. — La hiérarchie des prêtres comprend une infinité de degrés, et il n’est permis qu’au chamba de lire tous les livres sacrés. — Les lamas ne se marient point et doivent vivre dans un ascétisme complet. Je voulus plaisanter avec sa