Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/561

Cette page a été validée par deux contributeurs.
546
REVUE DES DEUX MONDES.

peine une diète rigoureuse. Mais malheur à celui qui a calomnié le sargutschei : son châtiment est plus sévère. Sous le prédécesseur de notre hôte, qui n’administre Maimatschin que depuis quelques années, il arriva qu’un Mongol parla mal du sargutschei. Le coupable ne fut pas mis à la diète extraordinaire ; mais on lui versa lentement dans la bouche des excrémens humains délayés avec de l’eau. Le fait me fut garanti par les employés des douanes russes, qui du reste disaient tous beaucoup de bien du sargutschei. J’ignore, après tout, s’ils ne craignaient pas un peu le supplice des calomniateurs.

Lorsque toutes nos visites furent faites, nous prîmes congé de notre hôte mandchou, qui, en nous quittant, voulut bien nous apprendre son nom : il se nommait tout simplement U. — Ce jour-là il y avait encore à Maimatschin plus de papiers bariolés et enjolivés d’inscriptions qu’à l’ordinaire. On en voyait à toutes les portes des maisons, à tous les coins de rue. Je remarquai que le nom de famille de chaque marchand est inscrit au-dessus de sa porte, et suivi de quelques mots de bon augure, tels que ceux-ci : Joie, prospérité, sagesse. Toutes ces inscriptions sont en mandchou.

Le lendemain je retournai à Maimatschin, pour acheter dans les magasins nommés Phusi des bagatelles que vous recevrez bientôt. Je visitai un temple entièrement semblable à celui que nous avait fait voir le sargutschei ; seulement je remarquai sur l’estrade où sont placées les idoles, et derrière un rideau qui sépare en deux tout l’édifice, la statue d’un dieu ou d’un homme revêtue d’une armure de cavalier en or. Je n’en avais pas vu de semblable la veille ; cependant notre visite avait été si rapide, que nous n’avions pas regardé derrière le rideau, et sans doute cette statue s’y trouvait aussi. Il y a un temple, m’a-t-on dit, où elle représente l’empereur régnant. Les autres statues semblables doivent être celles de héros chinois, dont les images sont honorées comme des idoles.

Dans le temple où l’on rend un culte à l’empereur, la cérémonie religieuse se termine par une phrase que les Russes traduisent ainsi : « Puisse le fils du ciel vivre mille et mille ans ! »