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tant. Son pouvoir à Maimatschin est presque illimité : il juge tous les procès et tous les crimes, à l’exception de ceux qui entraînent la peine de mort. Pour ceux-ci, il fait un rapport et l’envoie à Urga, ville située à deux cent quatre-vingts werstes de Maimatschin, sur la route de Pékin. L’autorité qui siége à Urga est un gouverneur général. L’organisation du gouvernement en Chine est précisément la même qu’en Russie. Les traités de commerce se négocient entre le gouverneur d’Irkoutsk et celui d’Urga. Justement, dans le temps même de notre séjour à Kiachta, quelques employés russes furent expédiés pour Urga, et rapportèrent à Irkoutsk une grande dépêche, rédigée en mandchou. Que j’aurais voulu pouvoir les accompagner et faire quelques observations astronomiques en Chine ! Mais je l’aurais tenté en vain. Deux interprètes, dont l’admission est ordinairement stipulée par les traités, peuvent seuls accompagner les envoyés russes, et les tournées scientifiques sont si mal vues en Chine, que, lors du voyage de Kawaleuski à Urga, en qualité d’interprète des employés russes, les soldats de l’escorte lui défendirent poliment, mais d’une manière expresse, d’écrire pendant la route : il ne put prendre ses notes que de nuit. Kawaleuski est un savant de Kasan, qui apprend à Irkoutsk la langue mongole. Aussi, quand on connaît les difficultés du voyage, on pardonne aisément au père Hyacinthe et à Timkowski de n’avoir inséré aucun calcul dans leurs deux importantes descriptions de la Chine. Un voyageur doit s’estimer heureux, quand les Chinois lui permettent l’usage des yeux. Ces deux descriptions ont été faites lors de la dernière mission ecclésiastique à Pékin. — Savez-vous ce qui a donné naissance à la mission ecclésiastique ? Le fait me semble assez curieux. En 1680, deux mille Mongols-Chinois attaquèrent un village russe de la frontière, qui renfermait cent habitans. Ils les réduisirent par famine et les firent prisonniers. Probablement les Russes avaient commencé les hostilités : on les emmena à Pékin. Leurs descendans se perpétuèrent dans le pays, et le désir de les maintenir dans la foi chrétienne est le motif officiel des missions russes, qui se renouvellent de dix en dix ans, et d’ici à peu de temps fe-