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VOYAGE EN SIBÉRIE.

kal. Cette rivière forme à son embouchure un delta, et de temps à autre, couvre toute la plaine de ses eaux. Nos traîneaux n’avançaient qu’avec difficulté, car la neige est rare dans ce pays, et se mêle en tombant avec le sable de la route. Des convois de thé passaient fréquemment près de nous, et leur nombre s’accroissait à mesure que nous approchions du lieu de leur départ. Ils se composent ordinairement de cinquante à cent traîneaux à un cheval. Les balles de thé sont cousues dans des peaux de chèvre, et enveloppées dans un réseau de cordes. Deux ou trois conducteurs suffisent pour mener le convoi ; et les chevaux, à la suite l’un de l’autre, vont ordinairement au grand trot. La plupart du temps, les marchands expédient leurs ballots de relais en relais, par le moyen des paysans ; souvent aussi ils ont recours à la poste, qui fait passer leurs marchandises de Kiachta à Moscou avec la plus grande rapidité. Ce mode de transport entraîne si peu de frais en Sibérie, que les marchands trouvent leur compte à l’employer.

La contrée que nous parcourions est environnée de montagnes ; les plus hautes sont au sud-est ; c’est là, vers l’extrémité du lac, que s’élève, au-dessus de toutes les autres, la cime du Chamar-Dabban. — La grande route suit la vallée de la Selenga, qui coupe les montagnes avant qu’on arrive à Werchne-Udinsk, et resserre son lit entre les rochers pour se répandre ensuite dans les steppes. — Nous nous arrêtâmes quelques heures à Werchne-Udinsk, et nous allâmes voir le capitaine du district. Il promit d’annoncer, avant que nous revinssions de la Chine, notre visite au chamba-lama, le chef du clergé parmi les Burates de ce pays.

Ce même soir, nous poursuivîmes notre route, toujours dans la vallée de la Selenga, jusqu’à la dernière poste avant Selenginsk. Des rochers de formes bizarres entourent la vallée. À voir leurs cimes qui s’arrondissaient en cônes, je les croyais d’origine volcanique ; mais dès que je les touchai, je reconnus, à mon grand étonnement, qu’ils étaient encore de granit. Le 15 février, dans la matinée, nous nous mîmes en route pour Selenginsk, que nous traversâmes sans nous arrêter, mais avec le projet d’y séjourner à notre retour. La lune blanche tombait le