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et parer comme pour une fête, pour qui Voltaire, au milieu de ses froides et mesquines railleries, a trouvé des larmes vraies et chaudes, qui a senti pleurer sur ses joues la tête de son père. Ce jeune prince que je prendrai, si vous le voulez bien, pour le héros de la tragédie, est amoureux comme on l’est à son âge d’une jeune fille élevée à la cour du roi, la fille de Philippe de Combles. — Marie, c’est le nom de l’héroïne, est adorée en même temps, par le dauphin qui, plus tard, fut Charles viii. Le duc de Nemours revient à la cour de France, malgré l’exil sévère qui le proscrit, sous le nom du comte de Rethel, et avec le titre d’ambassadeur de Charles de Bourgogne : dans quelle intention ? c’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer. Est-ce pour épouser Marie ? Est-ce pour tuer le roi ? Le cœur de l’amant et du fils nourrit-il à la fois ces deux projets ? Je laisse à de plus habiles à décider cette question. Pour ma part, j’inclinerais assez volontiers vers la première solution que je vous propose, et je crois que le duc de Nemours ne demanderait pas mieux que de laisser Louis xi en paix, pourvu que le roi ne l’inquiétât pas dans ses amours. Malgré l’indignation sonore dont le poète emplit sa bouche, je crois qu’il ferait bon marché de sa vengeance, s’il pouvait librement accomplir sa destinée de passion et de bonheur.

Et quel rôle croyez-vous que joue le roi dans cette affaire ? À quoi s’occupe-t-il tandis qu’un proscrit fait la cour à la fille de son premier ministre ? Il joue le rôle d’un tuteur de comédie. Il dépense toute sa ruse et toute sa pénétration à deviner les secrets d’une jeune fille. Puis quand il les a surpris, il commence à soupçonner ce qu’il n’aurait pas dû ignorer un seul instant, le vrai caractère de l’ambassadeur qu’il a reçu. Pour confirmer ses soupçons, il lui donne audience. Suit une scène empruntée au drame de M. Méli-Janin. Le dauphin relève le gant du duc de Nemours. Le duc est bientôt arrêté et enfermé, vous ne devineriez jamais où, dans la chambre même du roi. Coytier, médecin de sa majesté, donne au jeune prince qu’il chérit et qu’il protège, la clef de sa prison ; et le duc, au lieu de profiter de l’occasion qui lui est offerte pour reprendre sa liberté, abuse indignement de la confiance de son ami, et se cache dans l’alcove