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DE L’ALLEMAGNE.

lons plus de grâce. Notre jeunesse est devenue vieillesse en quelques mois, et c’est de nous qu’il faut dire que nos cheveux ont blanchi en une nuit. L’espérance manque à nos âmes, comme le travail des mains manque à l’ouvrier sur son métier. Le ver qui ronge nos institutions d’hier, se nourrit aussi, quand il a faim, de la moelle de nos os, et chacun de nous est occupé à enterrer en secret une partie de lui-même, avec sa moitié de planche qu’il a emportée du trône.

De cela et de tout ce qui précède, on ne petit tirer qu’une conclusion, à savoir : que des symptômes de mort s’agitent sous nos pas, pour qui sont-ils ? c’est là la question. Quelque chose est menacée de périr dans le monde, on n’en peut plus douter. On entend dans l’état cette plainte extraordinaire qui toujours a annoncé de près une ruine dans l’histoire ; on ne sait quelle chose, mais une chose va tomber, si on n’y prend pas garde : reste donc pour la sauver à découvrir ce qu’elle peut être et de quel côté elle est.

Est-ce la France ? non, la France ne périra pas. Bien des institutions semées à la surface peuvent changer ou disparaître ; bien des cœurs, qui battent pour elle, peuvent être frappés de mort, mais non pas elle. Plus sa misère nous étonne, plus il devient évident qu’elle recèle en elle des destinées nouvelles ; c’est un simulacre de ruine, comme d’autres ont des simulacres de grandeur. D’autres peuples sont plus riches, plus heureux, doués d’un meilleur soleil ; dépouillée et nue telle qu’on l’a faite, elle est encore plus belle dans son délabrement qu’ils ne le sont dans leur puissance ; dépossédée et les pieds nus, elle conserve entre eux tous quelque chose de royal. On a beau la pousser dans la rue, on voit d’où elle descend et où elle remonte. Qu’ils se vantent, eux, tant qu’ils voudront, nous ne donnerions pas sa misère pour leur gloire, et nous ne changerions pas leurs royautés ni leur ambition couronnée contre cet embryon d’avenir que la France emporte et cache sous son manteau déguenillé.

Pourquoi cela ? Le voici :

Depuis que la France a pris l’initiative dans la civilisation