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VOYAGE DE DÉCOUVERTES.

tant de richesses s’éloigner de son pays. Il suivit mes nègres des yeux, et je le vis plusieurs fois tenté de donner l’ordre de les faire rester.

Nous avions devant nous les montagnes dont j’avais visité une partie quelques jours auparavant. Après quatre heures de marche dans une épaisse forêt, nous arrivâmes près d’un petit ruisseau qui se précipite avec grand fracas d’une hauteur appartenant au chaînon que je devais traverser pour atteindre les rives du Couenza. Quand je rejoignis mes porteurs, je les trouvai couchés à terre et presque épuisés de fatigue. Ils n’avaient pas construit de cabanes pour se garantir de l’humidité de la nuit ; aucun ne voulait travailler à préparer le souper pour les autres, mais je pensai que ces nègres s’accoutumeraient insensiblement à la fatigue. J’ordonnai que le lendemain on partît de bonne heure ; nos guides étaient intelligens, ils nous assuraient que nous pourrions, avant la nuit, parvenir aux bords du Couenza. Comme il n’était pas tard, je parcourus la montagne avec mes porteurs du Bihé, sur lesquels je pouvais compter.

Le lendemain, nous arrivâmes en peu de temps sur le revers de la montagne, suivant des ravins que mes guides connaissaient bien. À dix heures, nous étions à deux lieues du Couenza. Je voulus aller coucher dans un village bien peuplé, et situé sur sa rive méridionale. Je laissai prendre le devant à la caravane qui semblait n’avancer qu’à regret, et je parcourus la pente de la montagne. Je remarquai que les vallées sont profondes et très escarpées ; leurs parois ne présentent partout que des calcaires rougeâtres. Mes porteurs étaient si épuisés de fatigue, qu’aucun ne parut prendre garde à moi quand j’arrivai au milieu d’eux. Ceux du Bihé, qui voulaient m’accompagner jusqu’à la fin de mon voyage, m’assurèrent que ceux de Cunhinga ne pourraient pas continuer de me servir, et que dans peu de jours ils ne seraient pas en état de marcher. Ils avaient eu beaucoup de peine à les faire avancer. Je résolus donc de m’en procurer d’autres, et j’envoyai deux de mes interprètes avec huit nègres chez les chefs voisins qui demeurent au nord de Couenza, et ne sont pas soumis à Cunhinga ; je ne me croyais pas en sûreté tant que mes