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maison. L’odeur qu’il répand ne permet plus alors de rester dans son voisinage. On allume un grand feu au milieu de l’habitation, et on jette de temps en temps des herbes odoriférantes dans les flammes, pour que le parent qui est dans le fond de la maison ne soit pas incommodé. Lorsque la nuit vient, on suppose que l’esprit a entièrement abandonné le cadavre, et qu’il se prépare à partir pour l’autre monde. Les danses redoublent, les cris de joie se font entendre à tout moment. Le lendemain matin, on enveloppe le cadavre dans un linceul de toile bleue. On lui met dans les mains des haricots et du maïs. On lui plie les jambes en arrière, on lui croise les bras sur la poitrine, on pose ses idoles à côté de lui, et après lui avoir coupé tout le poil, que l’on renferme avec soin dans une feuille d’arbre et que l’on donne au plus proche parent, on noue la toile bleue ; et on place le tout dans une natte attachée à un grand bâton qui sert à le porter au lieu de sa sépulture. On égorge un animal, on le rôtit, et après s’être bien divertis pendant quelques heures, les hommes prennent le corps et le portent en terre. Au même moment, la principale amie du défunt, accompagnée des autres femmes, quitte la maison, va au plus prochain ruisseau accomplir l’étrange cérémonie de la purification. Debout au milieu de l’eau, elle se dépouille de sa tanguai (espèce de pagne), et lance les lianes dont elle est couverte dans le courant. D’autres femmes lui rasent les cheveux de la tête et le poil de toutes les parties du corps. Elle prend elle-même ces dépouilles et les jette dans l’eau en prononçant des paroles mystérieuses. De plus elle se lave la bouche avec l’eau du ruisseau, et reste au milieu du courant jusqu’à ce que les herbes dont elle a bu une infusion produisent leur effet. Elle se croit alors purifiée et redevenue ce qu’elle était avant d’avoir connu un homme ; elle se couvre d’une étoffe bleue commune, et va occuper pendant deux lunes une cabane que l’on a construite, durant les jours de fête, en face de sa première habitation ; celle-ci reste tout ce temps dans le même état qu’au moment du décès du maître, parce qu’elle est persuadée qu’il y revient toutes les fois que son amie chante la chanson des morts, ce qu’elle fait trois fois le jour.