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REVUE. — CHRONIQUE.

bals, auxquels ont présidé des intentions diverses, un bal diplomatique, et un bal philanthropique.

Les plaidoiries de MM. Hennequin, Lavaux et Dupin touchent à leur conclusion. Je m’en félicite et je m’en réjouis, mais je ne sais pas encore qui je dois remercier. Après les lettres incroyables de la baronne de Feuchères et de l’archevêque de Paris, après leurs burlesques discussions à propos d’une visite et d’un bouquet, nous avons eu pour la cinquantième fois l’autopsie d’un vieillard ; on a de nouveau rouvert devant nous ces plaies dont le sang n’avait pas encore eu le temps de se cailler, mais que la terre devait protéger et détruire ; on a fouillé dans la correspondance intime d’un prince dont la seconde enfance méritait, à ce qu’il semble plus de respect. Mais on n’a tenu aucun compte de cette belle maxime antique : Maxima debetur pueris reverentia. Il faut rendre cette justice à Me  Hennequin, qu’il n’a négligé aucune des ressources de son sujet. Il ne s’est rien refusé. Il a remué avec un plaisir immonde toute la fange où le cadavre était enfoui ; il a si bien agité la vase qui reposait au fond du lac, que les émanations fétides en sont venues jusqu’à nous. Les plus perfides insinuations lui ont semblé de bonne guerre, et il ne les a pas regrettées.

Singulier bienfait d’une civilisation avancée, qui livre aux arguties d’un avocat l’honneur de toute une dynastie, en même temps qu’ailleurs, sur d’ignobles tréteaux, un coupletier rime des quolibets sur l’ombre de Napoléon !

Mais il n’a reculé devant aucun scrupule, et après cette inconcevable harangue, il est arrivé à l’auditoire le plus grand malheur qui se puisse imaginer, il ne s’est pas trouvé dans un cœur assez de sang pour applaudir ou s’indigner. Tout s’est passé dans le plus profond silence, au milieu de l’indifférence la plus absolue, comme s’il se fût agi d’une fête de paroisse ou de la percée d’une nouvelle rue.

Et soyez sûrs que toute cette vase aura été remuée en pure perte, que le cadavre va retourner à la tombe et servir de pâture aux vers, sans que la justice des hommes soit éclairée. Sa mort demeurera un mystère comme celle de son fils ; le crime de Saint-Leu et celui de Vincennes resteront enveloppés des mêmes ténèbres. On ne saura pas le bras qui a frappé. Mais la mémoire du duc d’Enghien est au moins protégée par un dévoûment honorable ; on peut le plaindre et le regretter, mais on comprend que Napoléon, ayant à jouer sa tête contre la sienne, ait retiré son enjeu et gagné la partie ; le duc de Bourbon ne laisse pas même à ses héritiers le souvenir de ses derniers momens. On ne saura pas comme a fini sa vie. Je ne connais de comparable à sa mort que celle d’un maréchal de France aux bras d’une danseuse, et encore a-t-on le nom de la Phryné qui a reçu ses derniers soupirs !

Viennent maintenant les conclusions de M. Didelot, et madame de Feuchères achètera quelques châteaux de plus en Écosse et en Suisse !

Les procès du Globe et du National ne tourneront qu’à la confusion du ministère public. Il faut dire des mandats de comparution lancés contre MM. Enfantin, Olinde Rodrigues et Armand Carrel ce que l’ancien évêque d’Autun