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DE L’ALLEMAGNE.

homme qui passe pour le réduire en poussière dans sa tombe ; et cet homme va passer.

L’opposition des états constitutionnels met donc ainsi toute sa force à fonder chez elle une uniformité d’institutions. En apparence, elle s’appuie sur la France. Mais, quand même la France ne la renierait pas, il ne serait plus en son pouvoir de s’attacher à son char ; et dans cette sympathie, il y a mille arrière-pensées, parmi lesquelles le besoin de former une ligue nationale est toujours la première. Irritables, parce qu’ils sont humiliés, harcelés, mutilés, c’est dans ces états qu’il faut voir comment l’esprit allemand, si propre aux combinaisons larges et cosmopolites, s’en va misérablement, la tête branlante, se briser à chaque pas, entre les deux murailles qui bordent son chemin. Véritablement, on peut chercher long-temps et ne trouver nulle part une plus pitoyable condition. La contradiction est devenue aujourd’hui trop manifeste pour pouvoir durer entre la grandeur des conceptions allemandes et la misère des états auxquels elle s’applique. L’ambition politique éveillée par 1814 étouffe à l’étroit dans ses duchés. Je pourrais nommer les plus beaux génies de l’Allemagne à qui le sol manque sous les pas, et qui tombent à cette heure, épuisés et désespérés, sur la borne de quelque principauté, faute d’un peu d’espace pour s’y mouvoir à l’aise. À présent que les libertés locales ont fait des citoyens, il ne manque plus qu’un pays pour y vivre ; et il est immanquable que la forme illusoire de la diète germanique, assiégée qu’elle est par les princes et par les peuples, ne s’écroule un matin, sans bruit, dans une représentation constitutionnelle de toutes les souverainetés locales. Le moment va venir où cette réforme sera aussi imminente que la réforme du parlement d’Angleterre et de la pairie en France ; car elle n’est pas seulement une des nécessités politiques de l’Allemagne, les destinées du protestantisme l’entraînent aussi de leur côté. Après avoir dévoré le cercle de ses discordes intérieures, le protestantisme, fatigué et menacé, se rallie à son tour. Les confessions ennemies, le luthéranisme et le calvinisme, au bout de trois siècles, se réconcilient dans le danger commun. Non-seulement