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EXCURSIONS DANS LE VENEZUELA.

Christoval. La plupart des maisons y sont belles. La plaza major est spacieuse et très propre ; une fontaine de bronze s’élève au centre, entourée d’un bassin de pierre de taille, autour duquel il y a constamment une foule d’aguateros ou porteurs d’eau, qui y remplissent leurs tonneaux.

« De l’autre côté de la rivière Mapacho, qui traverse la ville, s’élève la montagne de San Christoval, dont la forme est conique. La croix qui est au sommet est si grande, qu’on la voit très distinctement de toutes les parties de la ville ; à la célébration annuelle de la fête de la Cruz, on y voit un grand nombre de cierges qui y brûlent en son honneur. Cette croix indique la place où fut commis par un noble Chilien, le marquis de ***, un crime accompagné de circonstances atroces. Le meurtrier n’est mort que depuis peu d’années, et sa famille est une des plus respectées de celles de Santiago. Il aimait une jeune femme de la ville, mais il en était si jaloux, qu’il ne lui avait jamais présenté personne, pas même ses amis intimes. Un d’eux, piqué de ce manque de confiance, résolut de se venger du marquis en excitant sa jalousie. Il alla rendre visite à la jeune dame au moment où il savait que son amant était au Coliseo, et tâcha de lui persuader de l’y accompagner ; ne pouvant réussir, il parvint, sous prétexte de l’examiner, à se faire donner une bague, dont le marquis lui avait fait récemment présent. Il lui déclara alors que si elle refusait de venir au spectacle, il s’y rendrait avec la bague ; ce qu’il fit, malgré les supplications de la pauvre dame. Étant entré dans la même loge que le marquis, il n’eut pas de peine à attirer son attention sur le cadeau bien connu, et il donna des réponses si évasives aux questions qui lui furent adressées, que celui-ci ne douta plus de l’infidélité de sa dame et de la trahison de son ami. Il quitta aussitôt le théâtre, et, s’étant rendu chez elle, il la pria de l’accompagner en voiture, pour aller à un bal que donnait, disait-il, un de ses amis. Arrivés au pied du mont San Christoval, il renvoya sa voiture et s’éloigna des maisons. Alors tirant son épée, il força l’infortunée à l’accompagner sur le haut de la montagne où il l’assassina, sans l’informer même, comme il l’avoua plus