Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/330

Cette page a été validée par deux contributeurs.
316
REVUE DES DEUX MONDES.

jour dans leurs canots, et vivent de poissons et de tortues ; mais le premier endroit important sur l’Orénoque est la ville et le fort de Guyana la Vieja, à 180 milles en ligne directe de Punto de Barima. L’auteur et ses compagnons, qui étaient les premiers Anglais qui fussent venus se joindre à Bolivar, furent très bien reçus par des habitans de cette ville ; on donna un bal à l’occasion de leur arrivée. Ils y laissèrent la Félicité, et le gouverneur leur fit donner des bateaux pour remonter jusqu’à Saint-Thomas. Cette ville est la capitale de la Guyane et se nomme ordinairement Angostura, à cause du rétrécissement du fleuve dans cet endroit, où il n’a que 2 milles de large, et 60 à 70 brasses, ou 350 pieds de profondeur. L’Orénoque y est très rapide, et ne peut se traverser sans danger surtout pendant l’inondation. On pourra se former une idée de la masse d’eau immense que décharge ce fleuve, quand on saura qu’il monte à Angostura de 90 pieds au-dessus de son niveau habituel, et que le courant est de 3 milles à l’heure. Le pays est alors inondé à plusieurs lieues des deux côtés du fleuve, et donne aux savanes l’aspect d’une mer intérieure. Les bœufs et les chevaux sauvages, qui abondent dans ces plaines, sont chassés, par les eaux, de leurs pâturages habituels, et se réfugient sur des terrains plus élevés, et quand ils s’aventurent dans ces nouveaux marais infestés d’innombrables alligators et de serpens d’eau, un grand nombre de poulains et de jeune bétail y trouve la mort.

La chaleur étant très forte à Angostura, les voyageurs reçurent avec joie l’ordre de s’embarquer dans une petite flottille de chaloupes canonnières, et de bateaux qui allaient porter des troupes, à l’armée que le général Bolivar rassemblait dans les Llanos ou plaines de l’Apuri.

Les bords du fleuve au-dessus d’Angostura ont un caractère différent de celui qu’ils ont au-dessous. Le pays est plus élevé et dépourvu de bois. La vue s’étend souvent sur d’immenses savanes dont elle ne peut mesurer l’étendue, égayées par d’innombrables troupeaux de bœufs et de chevaux. Les bateaux passaient sans cesse au milieu de petites îles ombragées par de grands arbres, et couverts de la végétation la plus éclatante. Pendant