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DE L’ALLEMAGNE.

livre et de science, cette solitude de poésie et de religion dans le bruit qu’allaient faire tant d’hommes et d’événemens vulgaires tout-à-coup surgis dans la vie politique. C’est ainsi que j’ai vu des hommes d’une rare indépendance de doctrine sur tout le reste, s’effaroucher de la liberté de la presse, non point par les raisons banales que nous connaissons, mais au nom de la dignité de la science et de l’art, menacés de perdre le premier rang dans l’intérêt et l’attention du pays. Ils aimaient et cultivaient de loin le mouvement des progrès politiques en France, à condition toutefois qu’il ne s’approchât pas trop, qu’il restât à jamais dans un éloignement respectueux, et qu’il fût comme le bruit de l’histoire passée, dont le présent profite sans en avoir la peine. À cela se joignait, dans les esprits passionnés, une répugnance secrète à se replacer si tôt sous l’imitation de la France. Ceux-là, sans l’avouer, résistaient à la publicité des tribunaux, à l’institution du jury, comme ils auraient résisté à l’unité classique de nos vieilles tragédies, et leur patriotisme ombrageux mettait sa fierté à repousser tous les dons du vaincu. Enfin, une chose digne de remarque, c’est que la vie constitutionnelle et l’influence de la révolution française ne se sont développées dans les nations germaniques, ni chez les peuples tout protestans, ni chez les peuples tout catholiques ; elles se sont répandues à leur centre, en Bavière, Wurtemberg, Hesse, Bade, dans les états moitié protestans, moitié catholiques, parce que la réforme ne s’étant faite là qu’à demi, ils ont été plus impatiens que les autres de l’achever d’un autre côté, et de regagner par la constitution politique ce qu’ils n’avaient pas obtenu par la constitution religieuse.

Quand la révolution de juillet éclata, elle ne fut sentie par personne plus vivement que par ces populations. Elles virent parfaitement que c’était un principe social qui venait d’apparaître et se décidèrent cette fois à se mettre à son service, quelles que fussent les mains où il allait tomber. Leur rivalité avec la Prusse trouvait une excellente occasion d’éclater, et il est certain, et aujourd’hui avéré, qu’il y eut un moment où une politique élevée pouvait faire passer sous l’influence de la France