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EXPLORATION DE L’AMÉRIQUE.

de tous les principes s’opéra par degrés, les fils n’héritèrent point du fanatisme et des préjugés de leurs pères, l’oppression devint ensuite un lien commun ; en présence du danger, les dernières animosités disparurent, et ce que la discorde semblait devoir séparer, finit par être appelé l’Union.

Constitués sous l’obligation si souvent oubliée de convertir les Indiens et d’user d’une grande tolérance, les divers états mal circonscrits entre eux ne durent s’étendre d’abord qu’à cent milles dans l’ouest ; ensuite la mer du Sud ou d’autres états chrétiens furent leurs limites, et ils finirent par n’avoir pour bornes que les deux océans. Dès aujourd’hui nous calculons l’époque où ce vaste espace deviendra trop resserré pour une population toujours croissante. Mais les premiers planteurs ne s’écartèrent que lentement des rivages ; il se passa beaucoup d’années avant que la colonisation dépassât les monts Alleghanys, et atteignant les vallées de l’Ohio, rejoignît les découvertes des Français. Ces découvertes, exécutées presque entièrement par terre, circonscrivaient les possessions anglaises par un grand arc, qui, s’étendant de la région des palmiers à celle des glaces, appuyait ses extrémités sur les fleuves majestueux du Saint-Laurent et du Mississipi, qui coulaient soumis à nos lois ; position importante pour la politique, où la France eût élevé une barrière puissante contre l’agrandissement des colonies anglaises, sans les résultats de la guerre de 1754.

En effet, pour explorer avec succès l’Amérique septentrionale, les Français avaient su profiter du cours plus favorable des fleuves et de la navigation des lacs qui facilitait les progrès des voyageurs vers le centre du continent. D’abord les jésuites s’étaient répandus dans les solitudes des forêts canadiennes ; après eux, les nouveaux colons s’étaient avancés dans l’intérieur pour choisir les cantons les plus propres à la culture. Les premiers défricheurs, précédant le torrent de l’émigration, avaient reculé les limites des colonies ; enfin les chasseurs des compagnies, en poursuivant les animaux des forêts, avaient rappelé les excursions des Paulistes du Brésil. Aucune entreprise ne fut plus remarquable que celles du fameux de La Salle, de Joliet, de Mar-