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même où les Français, sortis des horreurs de la guerre civile, reportent leurs vues sur le Nouveau-Monde. Le goût des aventures se répand dans les premières classes de la société ; la fondation de colonies éloignées, la recherche de pays nouveaux deviennent pour la noblesse d’Angleterre de nouvelles sources de gloire, et la couronne excite ces entreprises par la concession de prérogatives inouïes dans les nouveaux établissemens. En 1583, Humphrey Gilbert pénètre dans le Saint-Laurent, qui refuse de lui donner accès dans une autre mer, devient le promoteur des pêcheries qui se forment à Terre-Neuve, et périt après deux campagnes qui furent malheureuses, parce qu’il dirigea sa route trop au nord. Aussitôt Philip Amadas et Arthur Barlow abordent plus bas, sur une côte dépourvue de bons ports ; le 4 juillet, jour mémorable, ils prennent possession de l’île Wokoken, dans la Virginie. Après les essais infructueux de Ralph-Lane et de Richard Granville, l’illustre Walter-Raleigh, digne héritier des projets de Gilbert, y forme un établissement qu’on transporte d’abord à l’île Roanoak, et ensuite à Croatoan. Cette troisième tentative eut les plus tristes résultats ; mais on dut au savant Harriot une bonne description du pays environnant. Les premiers colons quittèrent leur île, et ceux qui leur succédèrent, abandonnés par la mère-patrie, périrent par la famine et les armes des sauvages. Enfin, en 1603, à la mort d’Élisabeth, il n’existait plus un seul Anglais sur le sol de l’Amérique.

En 1602, Gosnold, dont le nom n’est pas assez connu, s’écartant de la route timide des îles Canaries et des Antilles, avait navigué directement vers le cap Cod, et réuni les élémens d’un commerce avantageux. Son exemple fut bientôt suivi : des navires anglais entrèrent dans la Chesapeak et la rivière de Connecticut ; ce fut alors par ses récits exacts, qu’on connut tous les avantages qu’offraient ces pays fertiles et tempérés : ils furent appelés aussitôt à de hautes destinées, et le roi Jacques les divisa en deux provinces, en excitant ses sujets à les peupler. Personne ne favorisa mieux ses desseins que Richard Haklugt, qui publia toutes les relations de voyages faits en Amérique, et contribua de tous ses moyens à sa colonisation.