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SCÈNES HISTORIQUES.

— Comment se porte mon cousin de Bourgogne, il y a long-temps que je ne l’ai vu ?

— Sire, il m’envoie vers vous pour que toutes les calamités qui désolent votre royaume prennent une fin.

Le roi se retourna vers le feu sans répondre.

— Sire, ajouta l’Île-Adam, qui vit que dans ce moment de démence le roi ne pouvait ni comprendre ni suivre les raisons politiques qu’il allait développer ; sire, le duc de Bourgogne vous prie de monter à cheval, et de paraître à mes côtés dans les rues de la capitale.

Charles vi se leva machinalement, s’appuya sur le bras de l’Île-Adam, et le suivit sans résistance, car il ne restait plus à ce pauvre prince ni mémoire ni raison. Peu lui importait donc ce qu’on ordonnait en son nom, et entre les mains de qui il tombait. Il ne savait plus même ce que c’était qu’Armagnac ou Bourguignon.

L’Île-Adam, avec sa royale capture, se dirigea vers le Châtelet. Le capitaine avait compris que la présence du monarque au milieu des Bourguignons serait un signe d’approbation royale pour tout ce qui allait se passer : il remit donc son prisonnier entre les mains de Lyonnet de Bournonville, en lui recommandant une surveillance active, mais pleine d’égards.

Cette mesure politique accomplie, il prit au galop la rue Saint-Honoré, descendit à la porte de l’hôtel d’Armagnac, dans l’intérieur duquel on n’entendait que cris et blasphèmes ; et, s’élançant sur l’escalier, heurta avec tant de violence un homme qui le descendait, que tous deux se retinrent l’un à l’autre pour ne pas tomber. Ils se reconnurent.

— Où est le connétable ? dit l’Île-Adam.

— Je le cherche, dit Perrinet Leclerc.

— Malédiction sur Ferry de Mailly, qui l’a laissé échapper.

— Il n’est pas rentré dans son hôtel.

Et tous deux s’élancèrent dehors comme deux insensés, prenant chacun de leur côté la première rue qu’ils trouvèrent devant eux.

Pendant ce temps, un carnage affreux s’exécutait. On n’en-