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que le soldat parcourait dans sa faction, puis quand celui-ci passa devant lui, il se leva tout-à-coup, et avant qu’il eût eu le temps de se mettre en défense, de pousser un seul cri, il lui enfonça jusque la coquille, son poignard dans la gorge.

Le soldat ne poussa qu’un soupir et tomba.

Perrinet traîna le cadavre à un endroit où la saillie de la porte rendait l’ombre plus épaisse, et son casque sur la tête, sa pertuisane à la main afin d’être pris pour lui, il s’approcha du bord de la muraille, fixa long-temps ses regards sur la plaine, et quand ils se furent habitués à l’obscurité, il crut apercevoir une ligne noire et épaisse qui s’avançait silencieusement.

Perrinet approcha ses deux mains de sa bouche et imita le cri du hibou. — Un cri pareil lui répondit de la plaine : c’était le signal convenu.

Il descendit et ouvrit la porte : un homme était déjà adossé au-dehors contre le battant : c’était le sire de l’Île-Adam que son impatience y avait poussé en avant des autres.

— C’est bien, tu es fidèle, dit-il à demi-voix.

— Et vos hommes ?

— Les voici.

En effet la colonne, commandée par le seigneur de Chevreuse, le sire Ferry de Mailly et le comte Lyonnet de Bournonville, apparut au coin de la dernière maison du faubourg Saint-Germain, introduisit sa tête sous la herse levée, et comme un long serpent, se glissa par cette ouverture dans l’intérieur de la ville. Perrinet referma la porte derrière elle, remonta sur le rempart et jeta les clefs dans les fossés pleins d’eau.

— Que viens-tu de faire ? lui dit l’Île-Adam.

— Je viens de vous ôter la possibilité de regarder en arrière, répondit-il.

— Allons donc en avant, reprit celui-ci.

— Voici votre chemin, dit Leclerc en lui indiquant la rue du Paon.

— Et toi ?…

— Moi !… j’en prends un autre.

Et il s’élança dans la rue des Cordeliers, gagna le pont