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REVUE DES DEUX MONDES.

— Sire de Villiers, dit-elle, voici un jeune homme qui me livre les clefs de Paris ; j’ai besoin d’un seigneur de courage et d’exécution, à qui je les remette. J’ai songé à vous.

L’Île-Adam tressaillit ; ses yeux s’enflammèrent ; il se retourna vers Leclerc, étendant la main pour presser la sienne, lorsqu’il s’aperçut à la mise du vendeur de fer quelle était la basse extraction de celui à qui il allait donner cette marque d’égalité. Sa main retomba le long de sa cuisse, et sa figure reprit l’expression de hauteur habituelle qui un instant l’avait abandonnée.

Aucun de ces mouvemens n’échappa à Leclerc, qui resta immobile, les bras croisés sur sa poitrine, lorsque l’Île-Adam lui tendit la main, comme lorsqu’il la retira.

— Gardez votre main pour frapper l’ennemi, sire de l’Île-Adam, dit en riant Leclerc, quoique j’aie quelque droit à la toucher ; car, ainsi que vous, je vends mon roi et ma patrie. Gardez votre main, seigneur de Villiers, quoique nous soyons frères en trahison.

— Jeune homme, s’écria l’Île-Adam…

— C’est bien, parlons d’autre chose. Me répondez-vous de cinq cents lances ?

— J’ai mille hommes d’armes dans la ville de Pontoise, que je commande.

— La moitié de cette troupe suffira, si elle est brave. Je l’introduirai avec vous dans la ville. Là cesse ma mission. Ne me demandez rien de plus.

— Je me charge du reste.

— Eh bien ! partons sans perdre un instant, et le long de la route je vous instruirai de mes projets.

— Bon courage ! seigneur de l’Île-Adam, dit Isabelle.

L’Île-Adam mit un genou en terre, baisa la main que lui tendait sa noble maîtresse, et sortit.

— Rappelez-vous votre promesse, Perrinet, dit la reine. Qu’il sache, avant de mourir, que c’est moi, son ennemie mortelle, qui lui prends Paris, en échange de la vie de mon amant.

— Il le saura, répondit Leclerc en enfonçant dans sa