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SCÈNES HISTORIQUES.

du connétable, vous accorderiez bien une grâce, hein !…

La reine sourit, avec une expression qui n’appartenait qu’à elle. — Oh ! dit-elle, tout ce que cet homme me demanderait !… tout, la moitié de mes jours, la moitié de mon sang. Où est-il seulement ?

— Qui ?

— Cet homme !…

— C’est moi, reine.

— Vous ! toi ! dit Isabeau étonnée.

— Oui, moi.

— Et comment ?

— Je suis fils de l’échevin Leclerc ; mon père garde la nuit sous son chevet les clefs de la ville, je puis aller un soir chez lui, l’embrasser, me mettre à sa table, me cacher dans la maison au lieu d’en sortir, et la nuit, la nuit, m’introduire dans sa chambre, voler les clefs, ouvrir les portes.

Charlotte poussa un léger cri, Perrinet ne parut pas l’entendre, la reine n’y fit point attention.

— Oui, cela est vrai, dit Isabeau réfléchissant.

— Et cela sera comme j’ai dit, reprit Leclerc.

— Mais, dit timidement Charlotte, si au moment où vous prendrez les clefs, votre père se réveille.

Les cheveux de Leclerc se dressèrent sur sa tête, la sueur coula de son front à cette idée ; puis après un instant, il porta la main à son poignard, le tira à demi, et prononça ces seuls mots ; — Je le rendormirai.

Charlotte poussa un second cri, et tomba sur un fauteuil.

— Oui, dit Leclerc, sans faire attention à sa maîtresse presque évanouie ; oui, je puis être traître et parricide, mais je me vengerai.

— Que t’ont-ils donc fait ? dit Isabeau en se rapprochant de lui, en lui prenant le bras, et en le regardant avec le sourire d’une femme qui comprend la vengeance, quelque atroce qu’elle soit, quelque chose qu’elle coûte.

— Que vous importe, reine ? C’est mon secret à moi. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que je tiendrai ma promesse, si vous tenez la vôtre.