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Bourgogne, la Picardie et une partie de l’Île-de-France : Senlis tenait pour les Bourguignons ; et Jean de Villiers, seigneur de l’Île-Adam, qui commandait pour le roi à Pontoise, ayant eu à se plaindre du connétable qui le traitait avec hauteur, avait livré cette ville, située à quelques lieues de Paris seulement, au duc de Bourgogne, qui y avait envoyé un renfort, et en avait maintenu l’Île-Adam gouverneur.

Le reste de la France, où commandait le connétable sous le nom du roi et du dauphin, était d’autant moins capable de résister long-temps à tous ses ennemis, que le comte d’Armagnac, obligé de concentrer toutes ses troupes sur la capitale du royaume, n’avait pu exécuter ce mouvement sans que les bourgeois de la ville et les paysans des environs n’eussent beaucoup souffert du passage et du séjour des soldats, qui, manquant de solde et de vivres, existaient à leurs dépens. Le mécontentement était donc général, et le connétable avait presque autant à craindre de la part de ses alliés que de celle de ses ennemis.

Le duc de Bourgogne, désespérant de s’emparer de Paris par la force, essaya de tirer parti du mécontentement général que le connétable avait soulevé contre le gouvernement du roi, et de lier des intelligences dans la place. Des agens qui lui étaient dévoués pénétrèrent déguisés dans la ville, et une conspiration se forma pour lui livrer la porte Saint-Marceau. Un homme d’église et quelques bourgeois qui demeuraient près de là, en avaient fait faire de fausses clefs, et avaient envoyé un message au duc pour convenir du jour et de l’heure de l’entreprise. Il en chargea le sire Hector de Saveuse, qui lui avait déjà donné, en enlevant la reine à Tours, une preuve de son habileté et de son courage ; et lui-même, avec six mille hommes, se mit en marche pour le soutenir.

Tandis que cette armée s’avance silencieusement pour tenter ce coup hasardeux, nous introduirons le lecteur dans la grande salle du château de Troyes en Champagne, où la reine Isabeau tient sa cour, entourée de la noblesse bourguignonne et française.

Certes, qui la verrait ainsi sur un fauteuil doré, dans cette