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— Je vous remercie une seconde fois, mon vieil ami ; ne restez pas plus long-temps dehors ; j’espère qu’un second importun ne viendra pas mettre votre complaisance à l’épreuve.

— Et il aura raison, messire des Ursins ; car, fût-ce notre seigneur le dauphin Charles, que Dieu conserve, je crois que je ne ferais pas pour lui ce que j’ai fait pour vous. C’est une grande responsabilité, dans ces temps de troubles, que la garde des clés d’une ville. Aussi, quand je veille, elles ne quittent pas ma ceinture, et, quand je dors, mon chevet.

Après avoir donné à sa louange cette preuve de vigilance, le vieillard secoua une dernière fois les deux mains qu’il tenait, ramassa la lanterne qu’il avait posée à terre, et reprit le chemin de sa maison, laissant les jeunes gens seuls.

— Que voulais-tu me demander, Perrinet ? reprit Juvénal en s’appuyant sur le bras du jeune vendeur de fer que nous avons introduit dans le chapitre précédent, et que nous retrouvons ici.

— Des nouvelles, messire ; vous qui êtes maître des requêtes et conseiller, vous devez savoir tout ce qui se passe, et je suis bien inquiet, car on dit que de grandes choses sont arrivées du côté de Tours où est la reine.

— Vraiment, dit Juvénal, tu ne pouvais mieux t’adresser, et je vais t’en raconter de toutes fraîches.

— Remontons, si vous voulez bien, sur le rempart ; le connétable fera probablement sa ronde de nuit, et, s’il ne me trouvait pas à mon poste, mon vieux père pourrait perdre sa place, et moi gagner quelques coups de ceinturon sur les reins.

Juvénal s’appuya familièrement sur le bras de Perrinet, et tous deux reparurent sur la plate-forme déserte un instant.

— Voici comme les choses se sont passées, reprit Juvénal. (Son auditeur paraissait lui prêter la plus vive attention.) Tu sais que la reine était prisonnière à Tours, sous la garde de Dupuy, le plus soupçonneux et le moins aimable des geôliers. Cependant, malgré sa vigilance, la reine avait trouvé moyen d’écrire au duc de Bourgogne et de réclamer son secours. Celui-ci comprit bien vite quelle puissante alliée lui serait Isabeau de