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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

ment. Maintenant, monsieur, méditez les Seize mois, si bon vous semble, vous en avez la clef.

Après la gloire, M. de Salvandy n’aime rien tant que les phrases ; or, pour grouper ses phrases, il a trouvé deux principes, à savoir que la légitimité royale et aristocratique était la source de tous les droits et de tous les biens, et que la révolution française était la source de toutes les injustices et de tous les maux. Vous concevez, monsieur, tout le parti qu’un grand écrivain peut tirer d’une telle dualité, d’un tel contraste ; vous voyez les tableaux, les tirades, les amplifications.

Si toute cette rhétorique n’aboutissait qu’à produire un livre médiocre, le mal serait léger ; mais en dehors de la France, des hommes honorables qui ne la connaissent pas, peuvent ajouter foi à ces peintures, et voilà le danger. C’est un tort sans doute que d’aduler sa patrie ; j’en connais un plus grand, c’est de la calomnier. Je regrette pour M. de Salvandy que sa plume ne se soit pas arrêtée, au moment de représenter la France comme folle et furieuse, la jeunesse comme ayant le goût des ruines et du sang, l’anarchie désignant déjà les têtes qu’elle se propose de faire tomber : l’enivrement de la déclamation ne saurait excuser de tels excès. Quand on écrit cette phrase : il n’y a que deux systèmes, celui de Napoléon et celui de Marat, tendre la main à l’aristocratie, ou bien lui couper la tête ; quand on ne donne à son pays d’autre option que les antichambres ou la guillotine, on encourt plus que le ridicule, on encourt la réprobation du bon sens public.

M. de Salvandy m’accuse d’avoir écrit sur la propriété des principes faux et funestes. Vous avez lu cette théorie ; vous savez combien elle est conservatrice, puisque j’y démontre, en m’autorisant de l’histoire, que, dans notre pays, la propriété a subi toutes ses révolutions violentes, et qu’elle n’attend plus que des perfectionnemens législatifs ; vous savez que ma Philosophie du droit est une déclaration continuelle de la légitimité du droit de propriété et d’héritage ; vous y avez lu cette phrase : La philosophie de la révolution n’est pas subversive de la propriété, elle en est propagatrice ; son vœu le plus cher est de la communi-