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VOYAGE DANS LA TARTARIE, ETC.

vaient l’assimiler à la divinité. Plus loin, il commença à faire tourner la roue de la doctrine, c’est-à-dire à prêcher sa religion. Dans un autre endroit, il fut placé sur un bûcher et s’abîma pour jamais dans une divine extase. Non loin de là, quatre puissans rois des Indes à la tête d’armées nombreuses, étaient sur le point de livrer une bataille sanglante, quand on trouva par bonheur un expédient pour les accorder : ce fut de leur partager par égales portions les reliques du saint personnage qui venait de quitter la terre. Des royaumes et des villes, qui jusqu’ici n’avaient d’existence que dans la mythologie, recouvrent ainsi leur réalité géographique. Kapilavasthou, où régnait le père du législateur de la Haute-Asie, Koushala, Vaïsali, le Parc-des-Cerfs, tant d’autres lieux dont la position était aussi complètement ignorée que celles des îles et des états dont il est parlé dans les Mille et une nuits, reparaissent non plus seulement comme le théâtre des apparitions célestes, des épreuves soutenues par les saints, des plus riantes fictions ou des plus extravagans miracles, mais comme les stations de voyageurs mortels, attentifs à marquer la direction de leur route, et les sinuosités de leur itinéraire. Aussi possédons-nous ce qui manque aux Anglais, possesseurs actuels de ces fabuleuses contrées, qui, sans le savoir, foulent aux pieds les ruines des villes sacrées ; et, ce qui est plus honorable encore, nous pouvons offrir un guide à l’auteur d’un gros livre allemand, lequel, en discourant sur ces scènes mythologiques, a été réduit à la dure nécessité de confesser son ignorance, quant à la partie de l’Inde où elles avaient dû se passer.

Dans tous ces lieux et dans beaucoup d’autres, on avait élevé des temples, des chapelles, des monastères, des tours à plusieurs étages. Une pieuse curiosité conduisait les voyageurs d’un de ces monumens à l’autre ; les restes précieux qu’ils y contemplaient, les prodiges qu’on leur racontait sont détaillés par eux avec une naïveté superstitieuse qui a bien son prix pour un lecteur européen. Mais, je le répète, le résultat le plus curieux de ce long pélerinage, appartient à la géographie historique, car nos voyageurs marquent avec soin la situation relative et la distance de tous ces points célèbres, sur lesquels on dissertait