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ses bras, et lui demanda sans doute sa dernière confession. — Se confesser ainsi sur le bord de l’éternité, cela s’appelle reconciliarse ! — Le moine avait abaissé son capuchon sur sa tête, et en couvrait aussi celle du jeune homme qu’il pressait contre son sein. — Oh ! si le pauvre enfant pouvait voir quelque chose encore, c’était pitié à vous, vieillard, de lui cacher un instant tout ce qui l’entourait. »

Il y eut là une pause de quelques secondes, durant lesquelles le silence fut aussi profond que l’immobilité universelle. Toute vie était suspendue. Les poitrines n’avaient plus d’air à respirer.

La figure du patient sortit bientôt plus pâle encore et plus mourante de son dernier confessionnal, — du capuchon du moine. La réconciliation était achevée. — Un crêpe fut jeté sur le grand crucifix de la confrérie de paz y caridad. — Oh ! demandai-je en moi-même, un crêpe ! pourquoi ? Est-ce en signe de votre deuil ou celui du Christ ? Est-ce vous qui ne l’osez pas voir au moment de vos supplices ? Est-ce lui que vous prétendez empêcher de les voir ? Dites. »

Cependant, redescendu au pied du premier escalier où se trouvait encore à genoux le patient, le bourreau le fit asseoir et lui passa au cou un nœud coulant, qu’il assujétit ensuite avec un grand soin ; puis il remonta à reculons, soulevant par les épaules le malheureux qu’il traînait après lui vers le haut de l’escalier. Le père Antonio montait en même temps par l’autre escalier, exhortant l’infortuné dont les yeux ne s’entr’ouvraient plus qu’à peine, lui pressant à chaque instant le crucifix sur les lèvres. Hélas ! dans ces derniers baisers, c’était le crucifix seul qui embrassait, et non plus le mourant ! Ils étaient arrivés tous trois au sommet du double escalier. Le bourreau ayant passé ses jambes par dessus la tête du patient, assis ainsi sur ses épaules, s’y affermissait en appuyant ses deux pieds entre les mains liées du malheureux. Alors son confesseur lui fit réciter, ou plutôt commença à réciter pour lui le credo : — je crois en Dieu le père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ son fils unique… Blasphème ! Et à ces mots : son fils unique… su unico… à ces mots (c’est, le signal), le bourreau s’élança entraînant sous