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LA HORCA.

vite, à pied, un bâton à la main, suivi de son valet. — Il venait en avant ; il allait faire ses préparatifs à la horca.

Bientôt vint, élargissant le sillon creusé déjà dans la foule, un peloton de carabiniers à cheval ; puis suivaient deux alguazils aussi à cheval ; puis s’avançaient, sur deux files, les membres de la confrérie de paz y caridad, portant les uns les bâtons de la confrérie, les autres des cierges de cire verte allumés, et l’un d’entre eux, le grand crucifix de la confrérie. Le premier frère de chacune des files était couvert d’un long manteau noir, qui traînait jusqu’à ses pieds, et il secouait, par intervalles, une sonnette qu’il tenait cachée sous son manteau.

Enfin parut le patient, Guzman, le pauvre Guzman, le reo, comme ils l’appelaient. — De même que si tous ses os eussent été brisés, son corps affaissé, ployé, exténué, sa tête pendante, sautaient et ballottaient en tous sens, à chaque pas de l’âne qui le portait et sur lequel il était attaché. Entre ses mains liées étaient une image de la Vierge et un crucifix. Son confesseur, le père Antonio, qui marchait à sa droite, le soutenant, se penchait incessamment à son oreille et lui faisait baiser à chaque instant son crucifix. Les autres capucins marchaient aussi près du patient, le prêchant et l’exhortant à l’envi, dès que le père Antonio le leur abandonnait un peu. Deux autres alguazils à cheval, puis une compagnie de grenadiers provinciaux, ayant en tête ses fifres et ses tambours, jouant et battant ensemble, fermaient enfin la marche. Après eux venait une masse compacte de peuple, cette queue de tous les cortéges, qui les suit tous jusqu’au bout. Celle-là s’en allait à la place de la Cebada, à la place de l’exécution. — On n’allait pas plus loin !

La figure du malheureux Guzman, bien que couverte déjà de la pâleur de la mort, venait de me frapper vivement encore par sa noblesse et sa beauté.

— « Que lastima ! Es buen mozo ! Quel dommage ! c’est un beau garçon » ! s’était écriée la grosse marchande, en le voyant passer.

Que lastima ! avait timidement répété la jeune fille. »

Lorsque tout le cortége eut défilé :

— « Ma mère, je vous en prie, allons à la place de la Cebada ;