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REVUE. — CHRONIQUE.

Et pour exposer ces principes dont nous parlons, M. Lerminier, a distingué dans la question qu’il s’était proposée, cinq élémens spéciaux et distincts, à savoir : l’homme en soi, la société, l’histoire, les philosophes, et en dernier lieu la législation.

Les deux premiers élémens, comme on voit, sont de philosophie pure ; le troisième est destiné à vérifier les deux premiers, à les éprouver. C’est une précaution grave et utile contre les dangers d’une logique trop absolue ; et nous devons en remercier l’auteur. Le quatrième élément est exclusivement consacré à la critique des grands hommes qui marquent dans les évolutions du génie humain des époques fatales, et qui servent de phares dans l’étude des siècles évanouis, depuis Platon jusqu’à Benjamin Constant. Le cinquième et dernier élément de la question, la législation, n’arrive, comme on voit, qu’après qu’il a été préparé, et presque nécessité par les autres.

C’est un plan vaste et bien suivi. Il est sage et logique en effet de procéder de l’individualité humaine à l’individualité sociale, de suivre les sociétés sur le théâtre de l’histoire, de saisir et d’analyser les principales scènes et les premiers rôles, et en même temps de juger les acteurs, puis de conclure de la coutume à la loi, de l’expérience à la règle.

Nous soumettrons seulement à M. Lerminier deux critiques : d’abord il nous a semblé que son style, en faisant la part inévitable de l’élocution improvisée, conservait encore trop d’habitudes oratoires, et que l’imagination, en colorant sa pensée de nuances éclatantes, altérait souvent la précision et la netteté des idées ; c’est un défaut que le blâme ne peut atteindre, une exubérance facile à restreindre, mais que nous devons constater. En second lieu, dans le plan même adopté par M. Lerminier, avec son intention manifeste d’éprouver la philosophie par l’histoire, nous regrettons qu’il commence à Rome et qu’il néglige la Grèce et l’Orient. L’histoire, telle qu’il l’entend, est à coup sûr l’histoire humaine, c’est-à-dire, universelle, et sans doute, en remontant plus haut, il aurait trouvé pour ses principes de nouvelles et importantes épreuves.

Mais, tel qu’il est, son livre demeure comme un portique majestueux au temple qu’il va construire, comme une admirable préface à l’histoire comparée des législations.