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SCÈNES HISTORIQUES.

mes enfans, c’est la lucarne de la prison ; nous ne le verrons pas, mais nous l’entendrons crier ; ça vaut toujours mieux que rien.

Tout le monde entoura avidement cette ouverture, qu’on aurait pu prendre pour une issue de l’enfer, car dix minutes ne s’étaient pas écoulées, qu’il en sortait des bruits de chaînes, des cris de rage et des lueurs de feu.

— Oh ! je vois le réchaud, disait la femme. Tiens, le tortureur y met une tenaille de fer… Le voilà qui souffle.

À chaque aspiration du soufflet, le réchaud jetait une flamme si vive qu’on eût dit un éclair souterrain.

— Le voilà qui prend la pince ; elle est si rouge, que le bout lui brûle les doigts… Il va au fond du cachot ; je ne vois plus que ses jambes… Chut ! taisez-vous ; nous allons entendre…

Un cri aigu retentit… Toutes les têtes se rapprochèrent du soupirail.

— Ah ! voilà le juge qui l’interroge, reprit le Cicerone femelle qui, en sa qualité de première venue, avait la tête entièrement fourrée entre les deux barreaux de fer du soupirail ; — il ne répond pas : — Réponds donc, brigand ; réponds donc, assassin, avoue tes crimes !

— Silence ! dirent plusieurs voix.

La femme retira sa tête du trou, mais elle prit un barreau de chaque main pour être sûre de retrouver sa place quand elle aurait parlé, puis elle dit avec la conviction d’un habitué :

— Vous voyez bien que, s’il n’avoue pas, on ne pourra pas le pendre.

Un second cri rappela sa tête à l’ouverture.

— Ah ! c’est changé, dit-elle, car voilà la pince par terre à côté du réchaud ; — hé bien ! il est déjà las le tortureur.

On entendit des coups de maillet.

— Non, non, reprit la femme avec joie, c’est qu’on lui met les clavettes.

Les clavettes étaient des planches qu’on liait avec des cordes à l’entour des jambes du patient, puis entre lesquelles