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SCÈNES HISTORIQUES.

La reine tressaillit ; Dupuy le remarqua et sourit.

— Eh bien ! dit la reine.

— Eh bien ! cette rencontre a changé ses projets, et sans doute aussi, ceux du chevalier, car il s’attendait à revenir à Paris seul, et à l’heure qu’il est, il y rentre sous bonne escorte ; il croyait retrouver son appartement à l’hôtel Saint-Pol, tandis que nous lui en gardions un au Châtelet.

— Le chevalier en prison ! et pourquoi ?

Dupuy sourit. – Vous devez mieux le savoir que nous, madame.

— Sa vie ne court aucun danger, j’espère ?

— Le Châtelet est bien près de la Grève, dit en riant Dupuy.

— On n’oserait l’assassiner.

— Madame la reine, dit Dupuy en la regardant d’un œil fier et dur, rappelez-vous monseigneur le duc d’Orléans : c’était le premier du royaume après notre sire le roi ; il avait quatre valets de pieds portant flambeaux, deux écuyers portant lances, et deux pages portant épée à l’entour de lui le dernier soir où il passa par la rue Barbette, en revenant de souper avec vous… Il y a loin d’un si noble seigneur à un si petit chevalier… Et quand tous deux ont commis même crime, pourquoi pas à tous deux même châtiment ?

La reine se releva avec l’expression de la plus violente colère ; le sang lui monta si rapidement au visage, qu’on eût cru qu’il allait jaillir de toutes les veines ; elle étendit la main vers la porte, fit un pas, et d’une voix rauque, prononça ce seul mot : Sortez.

Dupuy, intimidé, recula d’un pas.

— C’est bien, madame, répondit-il ; mais avant de sortir, je dois ajouter une chose : c’est que la volonté expresse du roi et de monseigneur le connétable est que vous partiez sans délai pour la ville de Tours.

— Sans doute en votre compagnie ?

— Oui, madame.

— Ainsi c’est vous qu’on a choisi pour mon geôlier. L’emploi est honorable, et vous va merveilleusement.