clauses de son testament que je viens d’avoir l’honneur de vous lire. »
— « Morte, s’écria Dorothée, morte ! ma bienfaitrice est morte ! je ne verrai pas ma bienfaitrice ! » et elle se mit à fondre en larmes et à pousser des sanglots tels que le notaire en resta tout ébahi, et qu’il ne put s’empêcher de faire hautement la remarque, avec cette finesse d’observation qui le caractérisait, et qui même l’entraînait parfois à des épigrammes peu compatibles avec la gravité de ses fonctions, que c’était le premier légataire qu’il eût eu à consoler de la mort du testateur.
Après avoir donné à grand’peine les signatures nécessaires pour constater son acceptation, Dorothée sortit de l’étude, et elle pleurait encore en descendant l’escalier ; mais chemin faisant, son chagrin se calma peu à peu : elle songea à sa fortune, au plaisir qu’elle aurait à apprendre cette bonne nouvelle à son frère, et elle n’avait presque plus les yeux rouges lorsqu’elle passa devant le magasin de son ébéniste, M. Geisler, place du Château.
— « Eh ! bonjour, mademoiselle Dorothée, s’écria celui-ci, qui précisément fumait sur le pas de sa porte. Est-ce que vous n’entrez pas, mademoiselle Dorothée ? Il y a bien long-temps que nous n’avons travaillé pour vous, mademoiselle Dorothée. »
— « Je vous remercie, monsieur Geisler, lui dit Dorothée, voyant qu’il se dérangeait pour lui faire place : je suis pressée d’aller chez moi, » et elle passait outre, lorsqu’une idée qui lui survint l’arrêta court.
Si je ne prévenais pas Théodore, pensa-t-elle, comme il serait surpris de voir tous les embellissemens que cet héritage nous permet de faire à notre cher petit logement ! Ce disant, elle rebroussa chemin, et entra chez l’ébéniste.
— « Vous m’enverrez tout cela samedi matin, sans faute, n’est-ce pas, monsieur Geisler ? » dit-elle en le quittant au bout d’une heure.