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MARINE FRANÇAISE.

de lutter avec les Anglais, pour tout ce qui tient à la tenue des bâtimens ; nous avons beaucoup profité de leurs idées. Il faut ajouter qu’ils ont adopté aussi quelques-unes des nôtres.

Un point sur lequel l’Angleterre a un avantage très-grand en marine, c’est la discipline. Nos vaisseaux n’en auront bientôt plus du tout, si nous continuons à souffrir le relâchement qui travaille les équipages. Il faut le dire, une philantropie mal entendue s’est emparée de quelques esprits législateurs, et les officiers se trouvent maintenant à peu près désarmés devant les délits des matelots. Nous ne sommes pas, il s’en faut, pour ce régime brutal d’autrefois, qui pendait à la ceinture de chaque maître et quartier-maître un bout de corde noueux, qui, à tout propos et pour les fautes les plus légères, tombait sur la tête et les membres des hommes peu aimés de ces sous-officiers ; mais entre cette passion des coups de garcettes et l’état actuel des choses, il est peut-être un mode qu’il serait bon d’adopter. Le Code pénal en vigueur est insuffisant ; un autre le remplacera, et c’est à la Chambre qu’il sera discuté. Il est fort à craindre que les idées des députés, les plus étrangers à la marine, ne prévalent dans la confection de cette règle disciplinaire, et ne lèguent au corps des difficultés nouvelles qui finiraient par rendre la navigation impossible. Sans une discipline sévère, dont la modération peut être laissée aux officiers, la marine française périra. On aura bien de la peine à faire comprendre cela aux députés. Rien n’est plus vrai cependant.

Une chose qu’il ne faut jamais oublier, et nous le disons pour la discipline comme pour tout le reste, c’est que la marine est une chose essentiellement d’exception ; que le droit commun lui est fort rarement applicable, et que vouloir faire pour l’armée de mer ce qu’on fait pour l’armée de terre, c’est n’avoir pas la moindre idée de la question.

De bonnes institutions, spécialement créées pour la marine ; de l’argent, et en assez grande quantité ; une certaine direction donnée à l’éducation de toutes les classes du peuple, qui les rendent un peu plus familières avec les idées ma-